L'info de l'histoire : les réseaux sociaux avant Facebook

L'actualité remise en perspective chaque samedi, grâce à l'historien Fabrice d'Almeida. Samedi 3 février : les réseaux sociaux avant l'explosion de Facebook.
Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le réseau social Facebook fête ses 20 ans en 2024. (Image d'illustration.) (KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP)

Alors que l’on fête ce week-end les 20 ans de Facebook, on a vu cette semaine le PDG Mark Zuckerberg s’excuser auprès des victimes de ce réseau social. Mais que l’on ne fasse pas d’illusion. Même quand les réseaux sociaux numériques n’existaient pas, d’autres réseaux faisaient parfois circuler des informations dangereuses. Depuis l’origine de l’humanité, le plus grand réseau social reste celui de la parole qui diffuse des informations parfois vraies, parfois fausses. Depuis maintenant quelques siècles, on appelle cela la rumeur. Et des rumeurs, il y en a eu de belles dans l’histoire de France, des grandioses, des sublimes, des somptueuses qui ont fait même trembler le pouvoir. Ces rumeurs sont la preuve qu’il existait une opinion publique qui critiquait le pouvoir, alors que naissaient les premiers médias.

La grande affaire qui le montre a lieu en 1750, à Paris. Une rumeur effrayante. Des enfants seraient enlevés pour être ensuite conduit à Versailles où le roi et les riches, princes et princesses prendraient des bains dans leur sang pour rester jeunes. Évidemment c’est faux, mais comme de nos jours plus c’est énorme, plus cela paraît crédible. Et la rumeur enfle dans Paris.

Certes, il y a bien des enfants délinquants qui sont retirés de la rue à la demande du lieutenant général de police Berryer. Les inspecteurs de police du Châtelet les emmènent dans des hospices où ils sont enfermés dans des conditions difficiles. Et ces mêmes inspecteurs font quelques erreurs et emportent des enfants qui ne devaient pas l’être : un fils de boulanger, un fils de commerçant… Résultat, les parents s’inquiètent et se plaignent. Commence alors la rumeur des enlèvements d’enfants.

La rumeur d'un policier qui enlève un enfant 

Elle va avoir un point maximal. Un policier du nom de Labbé arrête un enfant près du Pont-Marie, il est aperçu par des gens du quartier qui pensent voir un enleveur d’enfants. Très vite, une foule se rassemble autour de lui. Le ton monte, la pression aussi. Labbé prend peur et commence à fuir. Les Parisiens le poursuivent jusque dans les combles d’un immeuble… Quand les poursuivants le rattrapent, ils le frappent à mort. Puis ils prennent son corps pour le montrer aux autres émeutiers, comme si justice avait été faite. Il faudra un travail d’information du roi et des principaux officiers de la ville pour calmer la foule vindicative.

Et la panique parisienne gagne la province. Huit jours plus tard, à Tours par exemple, la même rumeur circule avec le même effet : on arrête des passants et ils sont brutalisés. Une variante réside dans le fait que les accusés sont soupçonnés de travailler pour envoyer les petites à l’étranger et non pour fournir les bains du roi. Même chose à Orléans et plus tard encore à Toulouse. Ce mode de réaction en chaîne, typique de l’Ancien régime, montre bien l’impact de certaines informations fausses sur la vie publique. Des infox.

Le même mécanisme jouera dans la grande peur de 1789, celle qui au mois d’août conduit les Français, tout juste entrer en Révolution, à piller des châteaux et des bâtiments officiels au nom d’une rumeur de répression par des soldats étrangers, menée par le roi et son entourage. Tout cela n’avait aucun fondement. Mais cela a permis aux Français de supprimer parfois des documents qui montraient à qui appartenaient les terres et ainsi de gagner leur liberté. Cette rumeur, appelée la Grande Peur, a changé l’histoire de France.

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