Royaume-Uni, Afrique du Sud, Etats-Unis : les bus de la discorde

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Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des habitants de Soweto, près de Johannesburg (Afrique du Sud), sur un bus pour se rendre à un meeting de l'ANC en février 1990. Photo d'illustration (TREVOR SAMSON / AFP)

L’information a été annoncée par le maire de Londres Sadiq Khan cette semaine : une nouvelle ligne de bus, la 310, a été créée pour relier deux quartiers abritant de nombreux membres de la communauté juive, Stamford Hill et Golders Green. Les habitants demandaient depuis 16 ans cette ligne car auparavant, ils devaient prendre deux bus et changer à la station Finsbury Park. Or, cet arrêt était juste à côté d’une mosquée passablement radicalisée de Londres. Des voyageurs ont témoigné avoir subi de nombreuses vexations. Cette ligne de bus devrait leur simplifier la vie, mais pour beaucoup elle est aussi le symbole de la difficulté de vivre ensemble. Et cela instaure une ségrégation discrète entre les communautés.

Tout cela rappelle comment les bus ont symbolisé la lutte contre le racisme aux Etats-Unis. Nous avons tous en mémoire le coup d'éclat de Claudette Colvin puis de Rosa Parks à Montgomery, en Alabama, le 1er décembre 1955. L'arrestation de Rosa Parks déclenche le boycott de sa ligne de bus, et fait émerger une jeune figure de l’antiracisme, le Dr Martin Luther King. Cela va durer jusqu'au 21 décembre 1956, quand une décision de la Cour suprême confirme l’inconstitutionnalité de la ségrégation dans le bus. Les huit miles pourront de nouveau être faits en bus et non à pied ! 

En Afrique du Sud, un boycott sur fond d'apartheid

Un combat aussi puissant a eu lieu à la même époque en Afrique du Sud, où pour les noirs le bus est une obligation car ils n’ont pas le droit de vivre dans les centre-villes, réservés à la population blanche. La compagnie de bus qui fait la liaison entre Johannesburg et Alexandra décide en1956 d’augmenter son prix de 20%. La charge est très lourde pour les travailleurs noirs. Les habitants d’Alexandra, soutenus par l’ANC et ses leaders, dont Nelson Mandela décident de lancer un boycott le 7 janvier 1957, afin que le gouvernement augmente la subvention. Car ils sont contraints par l’apartheid de payer leurs déplacements. Le boycott dure six mois et la chambre de commerce de Johannesburg décide en juin 1957 de prendre en charge le coût afin de relancer l’activité. Une victoire pour les noirs sud-africains, une des rares contre l’apartheid à cette époque.  

Et c’est cela qu’il faut retenir de la décision londonienne : elle permet à la communauté juive de continuer à prendre les transports publics. Même si dans un sens, elle traduit à quel point de nos jours l’antisémitisme est revenu dans les sociétés européennes.

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