Artisanat : "Il y a en France une envie forte de créer sa propre boîte, de reprendre une entreprise artisanale", selon le président de CMA France

Le Salon du Made in France vient de s'ouvrir à Paris. Une opportunité, pour Joël Fourny, président de CMA France (les Chambres de Métiers et de l'Artisanat), de découvrir des nouveaux métiers où "beaucoup de gens sont en reconversion professionnelle".
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Joël Fourny, président de CMA France. (RADIO FRANCE)

La 12e édition du Salon du Made in France se déroule du samedi 8 au lundi 11 novembre à Paris. Or l'artisanat est le premier producteur du "fabriqué en France", avec 2 millions d'entreprises. Joël Fourny, président de CMA France, les Chambres de Métiers et de l'Artisanat, vient nous faire l'état des lieux de ce label aujourd'hui en 2024.

franceinfo : On parle beaucoup de Made in France, que ça soit dans la politique, les médias ou chez les consommateurs, mais est-ce qu'il y a un vrai soutien ?

Joël Fourny : Oui, ça reste un critère de choix. Depuis le Covid, on sait que les consommateurs font peut-être un peu plus attention même si le pouvoir d'achat est une limite sur la consommation. Pour certains consommateurs, c'est un vrai choix que d'acheter du produit fabriqué en France. Et les artisans sont les premiers ambassadeurs de ce "fabriqué en France". Ainsi, quand un consommateur achète un produit, ça veut dire qu'il a bien identifié qu'il est peut-être un peu plus cher au départ mais en même temps, c'est un produit qui est durable, qui peut être réparable. La réparabilité dans le secteur de l'artisanat, ça existe. Et donc dans le bilan final, le coût n'est pas si élevé que cela, et est quelquefois même moins cher.

L'argument qu'on oppose, c'est que c'est généralement plus cher.

On a l'impression, mais ça dépend aussi si vous voulez donner du sens au lien social, au fait de soutenir l'économie locale et de proximité, le service aux populations. 

"Acheter un produit artisanal est un acte, je dirais, d'engagement vis-à-vis de l'économie nationale."

Joël Fourny, président de CMA France

à franceinfo

Quel bilan pour cette première journée du salon ? Vous y avez présenté les métiers de l'artisanat.

J'étais sur place sur l'espace de 2 000 mètres carrés, où on a 214 entreprises artisanales qui viennent de tous les territoires de France, tous les départements. Avec des artisans extrêmement contents d'être là, parce qu'ils ont vu beaucoup, beaucoup de monde. Il y a eu un nombre considérable de visiteurs aujourd'hui pour la première journée, c'est assez exceptionnel.

La ministre chargée de la Ruralité, du Commerce et de l'Artisanat Françoise Gatel était aussi présente. Est-ce que vous avez l'impression que l'exécutif est sensible à vos problématiques, à vos enjeux actuels ?

Elle y est très sensible et notamment, elle voulait regarder quels étaient les exposants et ce qu'ils représentaient. Elle a été très émerveillée et très surprise de voir que bon nombre de chefs d'entreprise étaient avant tout des artisans installés sur des nouveaux métiers du secteur de l'artisanat. Et avec des parcours très atypiques, parce que ce sont beaucoup de gens qui sont en reconversion professionnelle. Et ça l'a beaucoup rassurée quant à l'enjeu de la filière artisanale, où on sait qu'on a 300 000 entreprises à céder dans les 10 ans qui viennent. Et donc c'est une réelle opportunité pour nous.

Il y a des candidats à la reprise ?

Oui, il y a des candidats à la reprise, des créateurs, des porteurs de projets sur des créations de nouvelles entreprises. Même si on est dans une période extrêmement délicate d'un point de vue économique. Pour autant, ça reste une envie forte de créer sa propre boîte, de reprendre une entreprise artisanale.

"Vous avez vraiment de réelles opportunités qui s'ouvrent au grand public, aux personnes qui sont de différents horizons professionnels."

Joël Fourny, président de CMA France

à franceinfo

Le gouvernement cherche 60 milliards pour le budget 2025. Il est question, dans le texte en examen au Parlement, d'un coup de rabot notamment sur l'apprentissage et les aides à l'apprentissage.

Oui, nous sommes élevés contre ça parce qu'évidemment, à mon sens, ce n'est pas une économie. Ça devrait être un investissement. Et quand on parle d'un accompagnement auprès des entreprises à la hauteur de 6 000 euros, même si on revoit les choses, ça veut dire qu'on met un coup de frein à la dynamique sur la formation par alternance, sur la formation initiale. Alors même que les entreprises n'ont jamais baissé la garde depuis ces différentes années délicates et difficiles. Et je pense que ce serait un très mauvais signe. Alors qu'on était pratiquement de 850 000 ou 900 000 apprentis, on va peut-être avoir des difficultés. Je pense que, en fonction de la taille des entreprises, il est nécessaire de garder l'aide à 6 000 euros pour les entreprises de moins de 250, voire 50 salariés.

"Ce n'est pas à l'entreprise de prendre la totalité de l'apprentissage en charge, il faut l'aider, il faut l'accompagner si on veut que les jeunes trouvent une employabilité derrière."

Joël Fourny, président de CMA France

à franceinfo

Près de 80% de ces jeunes trouvent un emploi dans les six ou sept mois qui suivent l'obtention de leur diplôme. C'est une qualification importante qui est reconnue par le secteur et par la filière. Si on ne traite pas les choses par ce biais-là au moment de la formation initiale, on retrouvera ces publics en difficulté et peut-être qu'on aura à investir sur le volet social. Donc, prenons l'engagement de l'accompagner dès maintenant.

Le gouvernement veut aussi simplifier la vie des entreprises. De quoi, vous, artisans, très petites entreprises, avez-vous besoin ?

Je voudrais que, tous les jours, on puisse simplifier le temps nécessaire au chef d'entreprise pour la partie déclarative, administrative, etc. Il faut simplifier de manière forte. Ça veut dire qu'il faut oser aller très loin. Il faut oser aller vers le fait d'avoir qu'une seule porte d'entrée pour la partie déclarative et que l'entreprise n'a pas besoin de renseigner différents services de l'État. Il faut absolument qu'on facilite les choses d'un point de vue administratif pour l'entreprise. L'artisan, lui, il a besoin de produire, il a besoin de commercialiser, il a besoin de se développer. Alors, là où il a de plus en plus de tâches à assurer, il faut lui laisser du temps et lui permettre d'aller plus vite dans sa production. Et donc lui simplifier la partie administrative et déclarative.

Concrètement, combien de temps un artisan consacre en moyenne aux tâches administratives ?

Vous n’avez pas loin de 20% des artisans qui passent du temps sur la partie déclarative, alors qu'ils ont besoin de ce temps pour produire encore un peu plus. D'autant plus quand on a des problématiques de rentabilité liées au coût de l'énergie, au coût de fonctionnement ou à la vie qui est un peu plus chère qu'auparavant. Plus on est dans ces dispositions, et plus on a besoin de diminuer la partie déclarative du chef d'entreprise. Son métier, ce n'est pas la partie administrative, c'est la partie production.

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