Autoroutes : les barrières de péage de l'A13 vont disparaître "dans la première quinzaine de décembre", annonce le directeur général de la Sanef
"Dans la première quinzaine de décembre, nous allons convertir l'ensemble de l'A13" au dispositif des "péages en flux libre", annonce Arnaud Quémard, le directeur général du groupe concessionnaire d'autoroutes Sanef lundi 18 novembre. Les automobilistes passeront librement les péages de l'autoroute qui relie Paris et Caen en réglant soit avec leur pass de télépéage, soit par carte bancaire sur internet ou dans un bureau de tabac dans un délai de 72 heures.
Le groupe Sanef détient notamment l'A13 et l'A14 et expérimente les péages en flux libre depuis le 19 juin 2024 sur l'A14 en Île-de-France, sur l'axe Paris-Normandie.
franceinfo : Etes-vous en mesure de nous dresser un premier bilan ?
Arnaud Quémard : Oui. On a basculé l'A14 en péage en flux libre, ce qui est une petite, voire une grande révolution dans le monde des autoroutes. On a fait ça le 19 juin dernier et le bilan est plutôt très positif. Évidemment, c'est un changement qui est très important et pour des millions d'usagers, puisque c'est plus de 1,5 million de personnes qui ont déjà, au moment où on parle, emprunté l'A14, parfois quotidiennement.
En quoi ce bilan est-il positif ?
Il est positif parce que, fondamentalement, on parle de courbe d'apprentissage. C'est un changement qui est très important. Et la courbe d'apprentissage est finalement meilleure que prévu.
Ça veut dire que les gens paient ?
Absolument. Les gens paient.
Et ils le font a posteriori. Dans un premier temps, ils ont 72 heures pour payer sur le site internet de la Sanef.
Oui, mais ce n'est pas la seule option. Si vous avez un badge de télépéage qui est bien fixé sur votre pare-brise, rien ne change, sauf évidemment que vous ne vous arrêtez plus. Si vous aviez l'habitude de payer en carte bancaire, là vous pouvez vous connecter sur notre site sanef.com et vous avez 72 heures pour payer, avec un site qui est relativement fluide et qui se passe très bien. Et si vous souhaitez payer en espèces ou avoir un point de paiement physique, on a lancé un partenariat - et c'est une innovation - avec la Française des Jeux, donc on peut payer chez les buralistes du réseau.
Sauf que si vous ne payez pas en temps et en heure, vous risquez quand même une amende. Et plus le temps passe, plus le montant augmente. Vous dites que les automobilistes ont appris finalement assez vite. Vous savez donc qu'ils paient et qu'ils n'ont pas d'amende, c'est ça ?
Une grande majorité paie spontanément. On le voit, c'est quelque chose qu'on suit évidemment comme le lait sur le feu. Donc, on voit les paiements progresser très rapidement. On voit aussi quelque chose qui est très utile, qui progresse bien : c'est le fait d'associer sa plaque avec sa carte. Lorsque vous payez la première fois sur notre site, on a la possibilité d'associer sa carte bancaire avec sa plaque et finalement, après, tout est parfaitement fluide. Donc, là, c'est aussi un mode de paiement qui progresse très bien.
Quel est l'intérêt pour la Sanef d'enlever les barrières d'autoroute ?
L'intérêt est multiple. Le premier intérêt, c'est du gain de temps à la fois sur l'autoroute A14 et sur l'A13 puisqu'on va y généraliser ce dispositif dans la première quinzaine de décembre.
"C'est un avantage en terme de temps de parcours, puisqu'on va gagner jusqu'à une demi-heure entre Paris et Caen."
Arnaud Quémardsur franceinfo
Par ailleurs, il y a un avantage écologique puisque le fait de s'arrêter et de redémarrer au péage, c'est de la consommation de carburant et ce sont des émissions de CO2. Donc on a calculé que sur une année, ça représenterait 30 000 tonnes de CO2 économisées, donc ce n'est pas du tout anecdotique. Et puis enfin, ce sont 28 hectares rendus à la nature puisqu'on va libérer complètement les espaces qui étaient des barrières de péage. Dans une période où le zéro artificialisation nette est sur le dessus de la table de beaucoup de collectivités, c'est un projet autoroutier qui rend des hectares à la nature.
Mais ça représente un coût en termes d'investissement pour la Sanef d'enlever toutes ces barrières de péage.
Absolument. Ce sont environ 120 millions d'euros d'investissement.
Les concessions arrivent à échéance à partir de 2031. Vous êtes la première société dont le contrat avec l'État arrive à échéance. Ces investissements sont-ils un argument pour le renouvellement de votre concession ?
Je n'en sais rien. On est effectivement les premiers à arriver à la fin de notre concession, le 31 décembre 2031. Je ne connais pas l'avenir des concessions après les concessions, donc je ne sais pas. On continue à investir et on investira et on investit aussi lourdement dans le fameux bon état d'entretien en fin de concession, puisqu'il va falloir rendre l'ensemble des infrastructures en bon état. Et elles sont déjà en excellent état. Je cite quelques chiffres : 80% des chaussées du groupe Sanef ont été renouvelées dans les cinq dernières années.
Espérez-vous que votre concession soit renouvelée au-delà de 2031 ? Espérez-vous obtenir d'autres sociétés et portions d'autoroute ? J'ai vu que vous lorgnez, vous le disiez il y a quelque temps, sur une partie de l'A1, celle qui est proche de Paris et qui est aujourd'hui dans le domaine public.
On est dans un moment où l'État n'a pas choisi le modèle de gestion des infrastructures autoroutières après la fin des concessions actuelles.
"Je pense que le modèle concessif a démontré tout son intérêt, puisque ça permet d'avoir une infrastructure qui est entièrement financée sur des fonds privés."
Arnaud Quémardsur franceinfo
Je rappelle que les impôts n'ont jamais financé le moindre kilomètre d'autoroutes concédé, donc d'autoroutes à péage. Donc c'est du financement entièrement privé.
D'ailleurs, il y a quelques jours, un rapport sénatorial a été publié et il ne plaide pas pour la gratuité, donc, j'imagine que vous êtes plutôt soulagé.
Absolument. Et donc ce que l'on souhaite, c'est qu'après les concessions, il y ait de nouvelles concessions.
Mais différentes ? On parle d'opacité, vous connaissez les critiques envers le système de concessions…
Le système consessif a plus de 60 ans. Pour les plus vieilles concessions, il aura pratiquement 75 ans à la fin des concessions. Donc, il a été conçu avec des contrats où c'était à l'origine, l'État avec l'État : l'État concessionnaire avec l'État concédant. Lors de la privatisation qui a eu lieu en 2006, finalement, les contrats ont été peu revus. Donc ils sont ce qu'ils sont.
Devraient-ils être différents ? On voit dans ce rapport, notamment, qu'il devrait y avoir des concessions plus courtes, de 15 à 20 ans, et qui concernent moins de kilomètres. Êtes-vous d'accord avec ces préconisations ?
Je suis d'accord avec ça pour deux raisons. Une première raison, c'est qu'il faut avoir des concessions qui sont d'une taille raisonnable, sans être géantes. Donc voilà, 1 000-1 500 kilomètres, ça paraît des choses qui sont raisonnables, ça fait huit, neuf concessions au total sur le territoire français. La deuxième raison concerne la durée des investissements. Il faut se rappeler que la durée des concessions est liée aux montants d'investissement. Les concessions, aujourd'hui, sont très longues parce qu'il a fallu construire l'ensemble du réseau autoroutier. Donc ce sont 10 000 kilomètres d'autoroute. Force est de constater qu'il n'y a pas 10 000 kilomètres d'autoroute supplémentaires à réaliser, néanmoins il reste des investissements à faire. Je pense à la décarbonation du transport de marchandises. Mettez-vous sur le bord de l'A1, une de nos autoroutes : voyez le nombre de camions qui passent. S'il faut distribuer l'énergie pour l'équivalent en énergie en camion électrique, vous imaginez la quantité ?
Êtes-vous d'accord pour avoir des concessions de durée plus courte ?
De durée plus courte, absolument.
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