Budget 2024 : "Il y a des dépenses inévitables", estime François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes
Le gouvernement a présenté mercredi son projet de budget pour 2024. Mais l'actualité a rattrapé le gouvernement : l'inflation persiste. Elle oblige le gouvernement à revoir ses plans initiaux. Il y aura finalement une indemnité carburant aux travailleurs pour répondre à la hausse des prix du carburant, une indexation sur l'inflation des prestations sociales, des pensions de retraite, du barème de l'impôt sur le revenu pour un coût total de 25 milliards d'euros. François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes, fondateur de Fipeco, un site d'informations dédié aux finances publiques, estime sur franceinfo que les prévisions de dépenses du gouvernement paraissent relativement modérées.
franceinfo : Le budget 2024 prévoit l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu, des retraites et des prestations sociales, ce qui pèsera 25 milliards d'euros. Ces dépenses sont-elles nécessaires selon vous ?
François Ecalle : Elles sont largement inévitables. L'indexation des pensions sur l'inflation, elle est dans la loi. Le Parlement aurait pu voter une sous-indexation, ce qu'il a déjà fait dans le passé. Mais il faudrait pour ça changer la loi. Et dans le contexte politique actuel, j'imagine mal le Parlement voter ce genre de mesures. Il y a donc des dépenses inévitables. Les prévisions de dépenses du gouvernement pour 2024 paraissent relativement modérées. En fait, en euros, ça augmente beaucoup, mais ça augmente de 3% en euros pour l'ensemble des administrations publiques, Etat, collectivités locales, sécurité sociale. Mais si on tient compte de l'inflation et du fait que, par exemple, les retraites devraient être valorisées de 5% au 1ᵉʳ janvier prochain, 3%, ce n'est pas beaucoup. Si le gouvernement dit "seulement 3%", c'est parce qu'il compte quand même sur la réduction voire la suppression des boucliers tarifaires sur l'électricité ou sur le gaz.
Ces dépenses, vous les considérez nécessaires et finalement assez raisonnables ? Tant pis pour l'austérité ?
Si on tient compte justement de ces mesures exceptionnelles qui vont disparaître progressivement, la hausse des dépenses est relativement raisonnable. On voit que le reste des dépenses "normales" augmentent quand même beaucoup en 2024. Il n'y a pas vraiment de modération des dépenses. On a eu une hausse des dépenses en euros constants pour l'ensemble des administrations publiques qui est de l'ordre de 2%. C'est plus que la croissance de l'activité économique puisque la prévision du gouvernement et de 1,4. On est donc au-delà.
Pensez-vous que le gouvernement a raison de faire ces dépenses supplémentaires, notamment sur la défense et sur l'éducation nationale qui est aujourd'hui le premier poste de dépenses ?
Je pense qu'il ne peut pas faire autrement politiquement parce que, typiquement sur les retraites, il ne trouvera jamais de majorité pour faire ce qui avait déjà été fait en 2018-2019 : une désindexation des retraites. Maintenant, économiquement, la réforme des retraites touche uniquement les futurs retraités. Elle ne touche pas du tout les retraités actuels. Nous sommes dans une situation en France qui est inédite au niveau européen, dans laquelle le niveau de vie des retraités est supérieur à celui du reste de la population. Ne faire aucun effort sur les retraités, pour moi, ce ne serait pas absurde.
Il y a dans ce budget un tournant environnemental 30 milliards alloués aux dépenses vertes, 7 milliards de plus que l'an dernier. Est-ce que c'est historique ?
Le gouvernement annonce aussi la réduction de niches fiscales brunes. En pratique, ça veut dire une réduction des exonérations ou du taux réduit sur le diesel dont bénéficient les agriculteurs et les travaux publics. Tous les gouvernements se sont cassés les dents sur ce dossier. Parce qu'à chaque fois qu'ils parlaient de ça, ils voyaient des manifestations dans la rue. On ne va pas y gagner beaucoup sur le plan budgétaire parce que ça va être très étalé dans le temps, quasiment jusqu'à 2030. Et ensuite, on va compenser , intégralement par des aides, notamment pour les agriculteurs. On ne va donc pas y gagner beaucoup d'un point de vue budgétaire. Mais en revanche, d'un point de vue environnemental, c'est bien. Tout ça va dans le bon sens. Peut être que certains trouveront que ce n'est pas assez, mais on va dans la bonne direction sur le plan environnemental.
Est-ce que vous diriez que ces prévisions sont crédibles ? Le gouvernement veut ramener la dette à 109% de la richesse nationale.
À l'horizon de 2027. Dans l'immédiat, en 2024, elle ne va pas beaucoup bouger en pourcentage du PIB. Mais l'idée du gouvernement, c'est de réduire progressivement le déficit jusqu'en dessous de 3% du PIB. Ces prévisions reposent d'abord sur des hypothèses de croissance que la plupart des économistes considèrent comme relativement optimistes. Le gouvernement vous répondra que l'année dernière, ses prévisions de croissance pour 2023, personne n'y croyait et finalement on va y arriver. Mais je pense quand même que c'est relativement optimiste.
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