Budget 2025 et aides aux entreprises : "On rapporte beaucoup plus d'argent qu'on n'en coûte", assure le président de Domia Group
Maxime Aiach est le président de Domia Group, un des principaux groupes de service à la personne puisqu’il regroupe les sociétés Shiva - spécialisée dans le ménage à domicile - et Acadomia, les cours à domicile. Le service à la personne est un secteur avec des métiers souvent peu qualifiés, payés au niveau du Smic. Or, le projet de loi de finances, examiné en ce moment à l'Assemblée nationale, prévoit une baisse des exonérations de cotisations, qui favorise actuellement ces emplois à bas salaires.
franceinfo : Le patronat est vent debout, à commencer par le patron du Medef qui dit que ce sont des centaines de milliers d'emplois qui risquent d'être détruits. Il exagère ou il a raison ?
Maxime Aiach : Je vais vous parler de ce que je connais bien, à savoir mon secteur d'activité. Dans nos métiers, notamment sur Shiva qui est un peu différent de ce qu'on a chez Acadomia au niveau de l'enseignement, les gens sont mieux payés.
"Il est indispensable de bien payer les gens, parce que sinon, ils ne viennent pas collaborer avec nous, ils travaillent de manière dissimulée et ce n'est pas bon pour nos entreprises."
Maxime Aiach, président de Domia Groupà franceinfo
Donc les gens chez nous sont bien payés, à peu près 20 à 25% au-dessus du Smic. C'est probablement encore insuffisant mais on est, malgré tout, loin du Smic.
Cette baisse des exonérations de cotisations, prévue par le projet de loi de finances de la Sécurité sociale, risque-t-elle d'empiéter sur les salaires et même sur les emplois ?
Effectivement, dans notre secteur d'activité, tout ce qui contribue à augmenter le coût de revient se répercute forcément, au moins en partie, sur le prix de vente. Et tout ce qui contribue à une augmentation du prix de vente détériore la demande, et diminue par contagion les embauches. Donc je ne suis pas pour tout ce qui contribue à augmenter le coût de revient. Aujourd'hui, on est très très fortement imposés au niveau fiscal mais également au niveau social. Il faut vraiment le savoir. Je pense qu'il est beaucoup plus intéressant - et c'est peut-être plus difficile - de diminuer les dépenses que d'augmenter taxes, impôts et cotisations sociales.
Les employeurs vont-ils avoir tendance à moins recruter et à ne pas augmenter les salaires des personnes ? Y a-t-il un risque, comme le dit le Medef aujourd'hui ?
Evidemment qu'il y a un risque, ils ont raison. Ça dépend de la situation des consommateurs.
"Les gens qui viennent consommer chez nous sont très loin de la grande bourgeoisie, des clichés du 16ᵉ arrondissement de Paris."
Maxime Aiach, président de Domia Groupà franceinfo
Nous avons toutes les catégories de population. Il y a près de 4 millions de personnes qui ont recours à nos services pour la garde d'enfants, pour l'accompagnement de personnes âgées, pour l'entretien de leur maison. Et on constate qu'avec la mise en œuvre du crédit d'impôt instantané, ce sont des gens de plus en plus modestes qui ont recours à nos services.
Vous bénéficiez quand même de crédits d'impôt importants. L'emploi à domicile, c'est 6 milliards d'euros par an. C'est déjà beaucoup.
Oui, c'est beaucoup.
Mais vous plaidez pour une baisse des dépenses publiques, alors que les exonérations de cotisations s'élèvent à 75 milliards d'euros par an. Il faut savoir ce que vous voulez.
Moi, je me bats pour le statu quo. Parce qu'il est rentable pour tout le monde, il est efficace pour tout le monde. Si on prend un peu de recul, vous avez raison, c'est un secteur qui est accompagné. Mais il faut savoir ce qu'est l'alternative. L'alternative, c'est comme c'était avant, c'était le travail occulte, dissimulé, le travail du noir. Appelez-le comme vous voulez.
"Grâce au système d'aides aux entreprises, le travail au noir a aujourd'hui très significativement diminué en France."
Maxime Aiach, président de Domia Groupà franceinfo
Parce que ça coûte moins cher. Aujourd'hui, quand vous prenez une heure de ménage, après crédit d'impôt, vous allez payer 14 euros net, après impôt tout confondu. Et le travail au noir, c'est à peu près 14 ou 15 euros aussi. Naturellement, vous avez intérêt à travailler avec Shiva.
Là-dessus, vous êtes content puisqu'on ne touche pas au crédit d'impôt pour l'emploi à domicile.
J'ai craint qu'on y touche, qu'on le change. On a créé et on est en train de créer 400 000 emplois, ce n'est pas rien. Je veux qu'on dise également qu'on rapporte beaucoup, beaucoup plus d'argent qu'on n'en coûte. Ça ne veut pas dire qu'il y a des choses qu'on ne peut pas améliorer. Ça ne veut pas dire qu'il y a des abus, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire mieux. Mais malgré tout, le système est une excellence française et je crois qu'il faut qu'on se le dise.
Donc la baisse des exonérations de cotisations, c'est finalement un moindre mal pour votre secteur, celui de l'emploi à domicile, si dans le même temps, on ne touche pas au crédit d'impôt sur l'emploi à domicile ?
C'est un moindre mal mais je considère que ce n'est pas forcément une bonne mesure.
Le ministre de l'Economie Antoine Armand a proposé une alternative ce matin dans Les Échos. Cette baisse des exonérations de cotisations pourrait être remplacée en partie par la suppression d'un jour férié. Qu'en pensez-vous ?
D'abord, je partage complètement le constat de notre ministre de l'Economie et je pense qu'aujourd'hui, dans notre dans notre pays, on ne travaille pas assez. C'est un constat. On ne produit pas assez de richesses, donc on n'a pas assez de revenus. Donc, tout ce qui va contribuer à nous pousser ou à nous permettre de travailler plus, pour moi, est une bonne mesure. Donc pour un jour férié en moins, je serais pour, et je l'accompagnerais.
Vous préférez ça plutôt que des exonérations de cotisations amoindries ?
Bien sûr.
Dans une tribune parue il y a quelques mois dans L'Opinion, vous plaidez pour le rétablissement des finances publiques avec d'autres patrons. Qu'est-ce que vous préconisez ? S'il ne faut pas toucher aux aides aux entreprises, à quoi faut-il toucher ?
On est dans un pays où il y a 56 % de prélèvements sociaux et fiscaux, c'est beaucoup. Donc il faut d'abord diminuer les dépenses, je peux vous renvoyer sur les études de l'Institut Montaigne.
Pouvez-vous donner un seul exemple.
Dans mon secteur, on doit pouvoir favoriser le travail. Il y a encore trop de gens qui ne travaillent pas assez. Parce que vous avez des problèmes de seuils sociaux. Les gens ne sont pas incités à travailler. Par exemple, aujourd'hui, vous avez très peu de gens dans le métier qui travaillent plus de 15 heures par semaine, parce qu'ils ne sont pas incités : au-delà de15 h, ils perdent toutes leurs aides.
Donc vous préconisez de revoir certaines prestations sociales.
Oui revoir par exemple les seuils de déclenchement des prestations sociales, pour que, par exemple, si on travaille plus, ça rapporte beaucoup, beaucoup plus d'argent.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.