Consommation : "Il y a peut-être un comportement de sobriété qui s'instaure" face à l'inflation, selon Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'Insee

Après le pic d'inflation dépassé il y a six mois, l’Insee a revu à la hausse le taux de croissance pour l'année en cours, avec une prévision à presque 1% sur l'année totale de 2023. Des bonnes nouvelles qui ne suffisent pas à inverser les comportements de sobriété des Français au niveau énergétique et alimentaire.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Jean-Luc Tavernier (INSEE) (franceinfo)

Le directeur général de l’Insee, Jean-Luc Tavernier, détaille les prévision de l’INSEE pour le second trimestre : l’Institut national de la statistique révise à la hausse sa prévision de croissance, à 0,9% pour 2023, et selon lui, l’inflation va continuer à refluer graduellement.

franceinfo: Quelle courbe l'inflation va-t-elle suivre ? Les prix vont-ils continuer à augmenter, mais moins vite ?

Jaen-Luc Tavernier: Oui, les prix devraient continuer à augmenter un peu, mais l'inflation, qui est recalculée sur 12 mois, devrait continuer à baisser. Le pic, c'était il y a six mois. Ça a commencé à baisser assez fortement parce que les prix de l'énergie se sont stabilisés. Notre prévision est que ça va continuer à refluer graduellement et à la fin de l'année, on sera à un peu plus de 4 % d'inflation, au mois de décembre, sur un an. Avec une inflation moyenne pour 2023 qui s’établira à 5%.

Si on décortique cette inflation, quel rôle joue l'inflation alimentaire ? On en a beaucoup parlé, elle a atteint les deux chiffres à un moment, ce n'est plus le cas maintenant...

On a eu la hausse des prix d'énergie, et puis la hausse des prix alimentaires qui a été la plus forte en début d'année, ça reflue graduellement. Ça ne veut pas dire que les prix vont baisser encore. Notre prévision, c'est qu'ils sont stabilisés, ou qu'ils augmenteront très faiblement dans les mois d'automne. Peut-être qu'ils baisseront ultérieurement, en 2024, à l'occasion des renégociations de prix. Mais mais sur 12 mois, ça signifie quand même que l'inflation va continuer de ralentir.

Et pour les prix de l'énergie ?  

Les prix de l'énergie, c'est une autre affaire. On a eu une surprise un peu à la hausse, une recrudescence des prix de l'énergie au mois d'août, à cause de l'augmentation des tarifs règlementés de l'électricité et une remontée des prix du pétrole. Sur les prix du pétrole, on sait qu'il y a de la volatilité, de l'imprévisibilité. Si on n'a pas un nouveau choc, les prix de l'énergie devraient contribuer positivement et ne pas faire obstacle au fait que l'inflation globale se réduise.

Et quelles autres composantes de l'inflation : les services, les produits manufacturés... ?

Les services, c'est 50 % de l'indice. C’est le coiffeur, les services de transports, les services financiers. Et c'est très sensible aux coûts salariaux. Dans les services, ce qui importe le plus, c'est les salaires. Et on pouvait craindre, du point de vue de l'inflation, un risque de boucles prix-salaires dans les services, avec des coûts qui augmentent, des prix des services qui augmentent, qui alimentent une hausse des prix globale, qui elle même alimente le SMIC, qui alimente les salaires, etc.

Les nouvelles du mois du mois d'août n’étaient pas rassurantes sur le front de l'énergie, mais plutôt rassurantes du côté des services. Leurs prix ralentissent un peu et on n'a plus ce risque de boucle qu'on avait là. On arrive donc à une inflation dans les services qui est autour de 3%, qui concourt aussi à ce ralentissement d'ensemble.

À quoi faut-il s’attendre pour la consommation des ménages ?

Ce qu'on a vu sur le passé et pas mal commenté, ce sont les baisses de consommation dans les branches des secteurs où les prix ont le plus augmenté. Les hausses des prix de l'énergie, il y a un an, ont conduit à des comportements de sobriété et une réaction aussi de baisse de consommation. Ce qu'on observe depuis assez longtemps maintenant, et qui est inédit, c'est une baisse de la consommation de produits alimentaires. Ça ne signifie pas forcément qu'on consomme moins en volume, ça peut surtout signifier qu'on change de gamme, qu'on change de magasin. Et ce faisant, quand vous prenez un premier prix par rapport à une marque, le volume de consommation globale bouge et baisse.

Les Français se tournent-ils toujours vers l’épargne ?

Oui, le taux d'épargne était autour de 15%, assez stable avant la crise. Et là, depuis, il a monté fortement et reste élevé, autour de 19%. Les conditions auraient pu conduire à une baisse du taux d'épargne, mais le pouvoir d'achat des ménages sur 2023, ce sera à peu près 0%, alors que c'est positif d'habitude. Ça veut dire que pour certains, ça baisse. Il faut tirer sur son épargne, donc on en accumule moins.

Par ailleurs, le taux de chômage et le marché du travail se portent bien, donc il n'y a pas de précautions à avoir de ce côté, à ce stade du moins. Pour autant, le taux d'épargne reste élevé. Il y a ces comportements de réaction dans certaines branches, produits alimentaires, énergie, qui ne sont pas compensés par un surcroît de consommation ailleurs. C'est un comportement de sobriété globale qui s'instaure. Et puis, il y a quand même un effet de précaution qu'on voit bien dans nos enquêtes : les ménages répondent "nous on veut épargner", sans compter la hausse des taux d'intérêt en cas d'emprunt.

Et comment vont les entreprises ? A quoi doit-on s’attendre pour l’investissement ?

L'investissement s'est bien tenu jusqu'à présent. Il serait étonnant qu’il ne réagisse pas un petit peu à la hausse des taux d'intérêt. On s'attend clairement à une baisse de l'investissement immobilier, au moins dans le neuf. Ça, on le voit très clairement dans les enquêtes auprès des promoteurs immobiliers. C'est d'ailleurs très commenté. Le climat conjoncturel des entreprises s'est assombri au cours des derniers mois. On est maintenant revenu à un climat conjoncturel, disons moyen, alors qu'il était très au-dessus, notamment sur l'emploi.

Vous revoyez vos prévisions de croissance pour 2023 à la hausse, à 0,9 %. Il y a eu le deuxième trimestre qui est passé par là,  0,5 % de croissance. A quoi doit-on s'attendre pour le reste de l'année?

On révise la moyenne annuelle parce qu'on a eu une bonne surprise sur le deuxième trimestre, par exemple dans l'automobile, il y a eu moins de difficultés d'approvisionnement et un retour à la normale à la production dans certain secteurs. Un ensemble de facteurs un peu ponctuels.

0.5 % trimestriels, c'est 2 % annuel – ce n'est pas la nouvelle normalité, attention ! De fait, ce que nous prévoyons, c'est 0,1 % pour le troisième trimestre, 0,2% pour le quatrième trimestre. Ça fait 0,9% sur l'année. Ça ne fait pas beaucoup d'élan d'acquis dans notre jargon, pour l'année 2024. Et ça, c'est un sujet.  

 

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