Eau : "L'importance des investissements nécessite un partenariat public-privé et pour cela, Davos est extraordinaire", affirme la PDG de Suez

Toute la semaine, "L'invité éco" de franceinfo s'installe à Davos. Vendredi 19 janvier, alors que le Forum économique mondial touche à sa fin, Sabrina Soussan, présidente directrice générale de Suez, vient nous parler des échanges qui la rendent optimiste pour le futur.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
Sabrina Soussan, PDG de Suez. (franceinfo)

Le Forum économique mondial de Davos s'achève vendredi soir et Sabrina Soussan, présidente directrice générale de Suez, est notre dernière invitée rencontrée sur place.

franceinfo : L'an dernier, le changement climatique était beaucoup plus présent dans les conférences, dans les discussions. Cette année, c'est comme si la COP avait tout réglé et que les chefs d'entreprise étaient passés à autre chose. Est-ce que vous avez ce même sentiment ?

Sabrina Soussan : Pas tout à fait. C'est vrai qu'on parle beaucoup d'intelligence artificielle et de géopolitique. Mais un des grands thèmes de Davos, c'est également le changement climatique et la stratégie de long terme pour le climat et la nature. Là, je vois qu'on a beaucoup de demandes, beaucoup d'acteurs économiques, beaucoup de décideurs publics qui nous demandent nos solutions. Et Suez a beaucoup de solutions et énormément d'innovations sur tous ces sujets.

On a beaucoup de choses à dire et nous sommes vraiment écoutés. Je suis impressionné de voir tous les rendez-vous que j'ai eus avec les acteurs, pas seulement économiques, mais également publics. J'avais un rendez-vous, par exemple avec le Premier ministre vietnamien, parce que le Vietnam se développe beaucoup sur les sujets de l'eau. Je trouve que c'est très positif. Comme à la COP, en tant que groupe mondial, Suez a sa place dans ces grands événements et est écouté, parce que nous avons les solutions.

2023 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée. Est-ce que pour spécialiste du traitement de l'eau, ça se traduit par davantage d'activités ?

Il y a une grande prise de conscience au sujet de l'eau. C'est peut-être quelque chose d'intéressant pour tous les Français qui nous écoutent : le volume d'eau consommé en 2023 a diminué par rapport à 2022, malgré une année de grande chaleur et de sécheresse en France. Donc il y a une prise de conscience et ça c'est positif. Après, il y a un modèle économique pour des acteurs comme nous qui est à revoir, parce qu'on est payé en volumes d'eau, alors qu'on devrait être payé selon les volumes d'eau qu'on aide à économiser. C'est comme ça que ça devrait marcher.

Le fait justement que 2023 a été l'année la plus chaude, est-ce que ça se traduit par une volonté politique plus importante ?

Il y a eu le "plan eau" du président de la République. On a vu aussi des grands investissements comme à Nice, sur la nouvelle station d'épuration, qui a été un des plus grands investissements de l'année 2023. Dans ce projet, on réutilise des eaux usées traitées, au lieu d'utiliser de l'eau potable, pour arroser les voiries et arroser les parcs. On a aussi énormément d'innovations comme cette usine "ressource", qui va produire plus d'énergie qu'elle en consomme. Ça aussi, c'est la décarbonation, c'est l'avenir.

Donc le changement climatique se traduit par davantage d'activité. Pour une entreprise comme Suez, c'est plus de business pour vous ?

C'est plus d'investissement, c'est plus de business. Mais ce qui est très important et ce qui va changer les choses, c'est le partenariat public-privé. C'est pour ça qu'un endroit comme Davos, où tous les acteurs publics et privés sont ensemble, est une occasion extraordinaire et unique. Pour pouvoir discuter de tous ces sujets, et pour pouvoir monter des projets. D'ailleurs, on a gagné le premier partenariat public-privé en Afrique, en Tunisie, sur la gestion de l'assainissement, avec un financement de la Banque mondiale. Ces sujets deviennent de plus en plus importants et il faut vraiment, j'insiste, que le public et le privé travaillent ensemble. Avec tous les besoins d'investissement, il le faut sinon on n'y arrivera pas et on n'arrivera pas à faire changer les choses.

Suez, c'est aussi la gestion des déchets avec un nouveau marché pour vous, celui du recyclage des batteries des véhicules électriques. Avec Eramet, vous implantez une usine de recyclage de batteries à Dunkerque. Quand est-ce que cette usine sera opérationnelle ?

Elle va être opérationnelle dans quelques années. Mais je vais insister sur le fait qu'il ne faut plus parler de déchet. Le déchet, c'est une ressource, c'est une ressource en énergie.

On ne va plus brûler les déchets aujourd'hui ?

On peut les brûler dans certains cas, et cela va produire de l'énergie. Au lieu d'utiliser de l'énergie qui vient du charbon, on utilisera de l'énergie qui sera en partie renouvelable, qui vient des déchets. Mais c'est une ressource également. On fait des "matières premières secondaires" : ce sont des matières premières à partir de déchets. Par exemple, au lieu de jeter les batteries, on recycle, surtout les métaux précieux comme le lithium, cobalt et nickel. On les récupère, on les broie, on fait ce qu'on appelle de la "black mass". Ainsi, Eramet va récupérer ces métaux précieux et les remettre dans une boucle fermée dans la fabrication de batteries. C'est valable pour les batteries, mais c'est valable pour beaucoup d'autres choses, pour le plastique, pour les métaux...

Le recyclage des batteries des véhicules électriques est potentiellement un marché énorme, puisque d'ici 2035, on ne pourra plus vendre de véhicules thermiques neufs en Europe.

Exactement. Et comme nous sommes une entreprise innovante, toujours en avance de phase, on a décidé d'investir dans ces projets il y a déjà plusieurs années, pour pouvoir être prêt quand ces batteries seront sur le marché du recyclage.

Alors ça fait maintenant deux ans, Sabrina Samson, que vous êtes à la tête de Suez. Vous êtes arrivée dans un contexte très particulier, très difficile. Après l'OPA hostile lancée par Veolia sur une partie des actifs de Suez, vous avez trouvé des collaborateurs un peu traumatisés, il faut le dire. Qu'est-ce que vous avez entrepris pour cela ?

Tout ça, c'est derrière nous. Nous avons effectué un chemin colossal en deux ans. D'ailleurs, je suis très fière. Nous avons fait trois acquisitions majeures. On est passé de 7 milliards à 9 milliards de chiffre d'affaires. Nous avons gagné énormément de projets, dont plus de 50% à l'international. Et notre croissance viendra de l'international. On a fait un plan d'actionnariat salarié avec 3% dès le départ. Et ça, je trouve que c'est extraordinaire. Ça montre la volonté de partager la valeur des collaborateurs et la fierté d'appartenir à ce grand groupe mondial Suez.

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