Échec des négociations entre patronat et syndicats sur l'assurance chomage : "C'est un rendez-vous manqué des partenaires sociaux", regrette l'U2P

Les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord, alors le gouvernement reprend la main et fixera lui-même de nouvelles règles d'indemnisation pour les demandeurs d'emploi. "C'était malheureusement ce qui pouvait être prévu", déplore Michel Picon, le président de l'U2P, l'Union des entreprises de proximité.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Michel Picon, le 22 avril 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Le gouvernement va procéder par décret pour modifier les règles de l'assurance-chômage. Le ministère du travail l'a annoncé ce lundi 22 avril par communiqué, il acte l'échec de la négociation entre partenaires sociaux sur l'emploi des seniors. Il va reprendre la main sur l'assurance chômage, avec de nouvelles règles qui entreront en vigueur dès le 1er juillet.

"Je pense que c'est un rendez-vous manqué des partenaires sociaux", regrette ce lundi sur franceinfo Michel Picon, président de l'U2P, l'Union des entreprises de proximité. "C'était malheureusement ce qui pouvait être prévu et on va voir dans quelles conditions les choses se déclinent. Nous avons fait, nous l'U2P, tout ce que nous pouvions pour essayer de trouver un accord, mais nous avions des partenaires patronaux qui avaient décidé de ne rien lâcher et c'est ce qui s'est passé, et les organisations de salariés à l'unanimité ont toutes rejeté le texte qui était proposé", ajoute-t-il.

franceinfo : Saviez-vous que ça allait se terminer comme ça ?

Michel Picon : Bien sûr, nous le savions. C'est à croire que ça ne dérangeait pas tout le monde.

"L'accord que nous avons passé au mois de novembre était un accord équilibré."

Michel Picon

franceinfo

Les dispositions sur les conséquences du report d'âge pour les seniors, en fonction de la réforme des retraites, n'avaient pas été prises, mais devaient l'être avec un certain nombre de dispositions qui devaient figurer là-dedans. Je voudrais rappeler que dans cet accord du 20 novembre, il y avait une baisse de cotisations des entreprises de 0,05%. C'est 1,5 milliard de cotisations en plus que les organisations que les entreprises de notre pays vont payer parce que cet accord n'a pas été validé.

La ministre du Travail, Catherine Vautrin, précise, selon son entourage, que c'est un crève-cœur pour elle d'en arriver là.

Elle me l'a dit aussi vendredi qu'elle aurait préféré que nous trouvions un accord. Je dois dire que ce n'est pas de la responsabilité ni de l'U2P, ni du gouvernement au fond, puisque cette négociation, elle était non pas faite sur une lettre de cadrage, mais une lettre d'orientation qui nous demandait de prendre des dispositions pour maintenir les seniors dans l'emploi et pour faciliter leur recrutement. Nous en avons fait.

Donc ça signifie que le reste du patronat, le Medef et la CPME, n'ont pas joué le jeu ?

Ils ont été trop durs dans cette négociation. Les raisons, je ne les connais pas.

Le Premier ministre Gabriel Attal a dit qu'il voulait durcir les règles d'indemnisation des chômeurs pour parvenir au plein-emploi. Il pense, notamment, augmenter la durée de travail pour avoir droit à l'indemnisation. Qu'en pensez-vous ?

Je pense que tant qu'on n'a pas les études d'impact de cette mesure, fournies soit par l'Unédic ou par d'autres établissements habilités à le faire, je suis assez réservé.

"La moitié des demandeurs d'emploi ne sont pas indemnisés. Donc, s'ils ne sont pas indemnisés, ce n'est pas la pression que l'on met sur eux qui les amène à reprendre un emploi."

Michel Picon

sur franceinfo

Pour garder un emploi pendant plus de six mois, encore faut-il que l'entreprise offre des emplois de plus de six mois. Ce n'est pas toujours le cas. Nous avons notre responsabilité, mais elle est collective. Elle est aussi de l'inadéquation de la formation des demandeurs d'emploi par rapport aux besoins des entreprises.

Si les règles de l'assurance chômage changent, cela vous permettra-t-il de changer les règles des contrats que vous signez ?

Non, l'économie de l'entreprise n'est pas corrélée avec les règles de l'assurance chômage. Très franchement, à part quelques cas à la marge, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. L'entreprise, elle recrute quand elle a du travail, quand elle a un carnet de commandes qui se remplit et elle garde ses salariés, bien évidemment. Lorsqu'elle ne les garde pas ou lorsqu'elle n'offre pas un CDI au lieu d'un CDD, on a imaginé le malus, le bonus et de la coercition. Mais tout ça, ça n'apporte pas les résultats escomptés.

Si les règles changent, il va bien falloir que vous vous adaptiez.

Vous n'aurez personne qui embauche quelqu'un simplement pour faire plaisir au gouvernement parce qu'il a augmenté les règles. Il recrutera lorsque son carnet de commandes et son besoin en personnel va augmenter. Or, aujourd'hui, 55 000 entreprises sont parties au tapis l'année dernière. Et, bien évidemment, si elles sont parties au tapis, c'est qu'elles n'avaient pas assez d'activité. Il n'a échappé à personne que depuis le dernier semestre 2023, la conjoncture économique n'est pas celle que nous avons connue à l'après-Covid. Et les incantations "on va allonger la durée du chômage" n'auront un impact qu'à la marge.

"Si j'avais un message à faire passer au gouvernement, je lui dirais de faire un peu plus confiance aux partenaires sociaux et d'essayer de comprendre, avec nos partenaires du Medef, pourquoi ils bloquent ces négociations."

Michel Picon

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Pourquoi on n'est pas arrivé à trouver un accord sur des sujets aussi simples que le Compte épargne temps universel (Cetu).

Vous aviez prévu une réunion sur ce sujet.

Elle aura lieu. Parce que ce n'est pas lié à l'assurance chômage directement. C'est lié au fait de mettre en place des dispositifs dans les petites entreprises aussi dynamiques que ceux qui peuvent exister dans les grandes entreprises, notamment avec le compte épargne temps (CET) qui n'est pas adapté aux petites entreprises.

En espérant que le gouvernement regarde cet accord.

Oui, bien sûr. Il y a le Cetu, il y a la reconversion professionnelle, il y a la prévention de l'usure professionnelle. Et puis il y a aussi la mutualisation des indemnités de rupture de contrat en cas d'inaptitude professionnelle. Ces éléments sont fondamentaux. Et nous, nous espérons que l'accord que nous allons prendre demain sera retenu et repris dans la future loi Travail que le gouvernement prépare pour l'automne.

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