Fin de vie : "Entre euthanasie et suicide assisté, il n'y a pas à choisir", défend le président du groupe MGEN

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est examiné à partir du 24 octobre à l'Assemblée nationale. Le gouvernement devrait également présenter un projet de loi sur la fin de vie, avant la fin de l'année. Matthias Savignac, président du groupe MGEN, détaille sa position.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
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Matthias Savignac, président du groupe MGEN, le 24 octobre 2023. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Matthias Savignac est président du groupe MGEN depuis le 8 juillet 2021. Le groupe compte 4,2 millions d'assurés, actifs, retraités de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de la culture, des sports et de la transition écologique. Il accompagne 5 800 entreprises avec 3,2 millions d'adhérents parmi lesquels 300 000 expatriés dans plus de 170 pays à travers le monde.

Le gouvernement avait initialement prévu d'inscrire dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale le doublement des franchises médicales sur les boîtes de médicaments et les consultations, avant d'y renoncer.

franceinfo : Est-ce que c'est une bonne nouvelle pour les mutuelles que vous dirigez ?

Matthias Savignac : C'est une bonne nouvelle pour les citoyens et les assurés sociaux, parce que pour la mutuelle, ça ne change absolument rien. Dès lors qu'on est dans le cas des franchises médicales ou des participations forfaitaires, on est sur du reste à charge pour le citoyen, et ce reste à charge ne peut pas être pris en charge et remboursé par les complémentaires santé. 

En revanche, l'exécutif n'a pas renoncé à moins rembourser les soins dentaires : 60% au lieu de 70 précédemment. Un demi-milliard d'euros repose désormais sur vos épaules. Vous allez forcément devoir répercuter cette charge financière sur les tarifs ?

Une mutuelle, comme son nom l'indique, ne peut pas se capitaliser ailleurs et a pour seule ressource les cotisations de ses adhérents. Donc, dès lors qu'il y a un transfert de charges de l'Assurance-maladie obligatoire vers l'assurance maladie complémentaire, les mutuelles en l'occurrence, on va devoir réfléchir et voir de quelle manière on répercute sur les cotisations de nos adhérents cette prise en charge supplémentaire, parce que, contrairement à la Sécurité sociale, nous n'avons pas la capacité de générer du déficit.

Vous allez forcément devoir augmenter les tarifs l'année prochaine ?

Ça fait partie des réflexions que le conseil d'administration du groupe MGEN a en ce moment, comme toutes les complémentaires santé.

Il y a justement des chiffres qui circulent. Certains craignent des augmentations de tarifs jusqu'à 10%. Est-ce que ce sera de cet ordre-là ?

On ne sera pas dans ces dimensions-là. On est en train d'affiner nos résultats. Et c'est vrai qu'il faut attendre aussi la fin des travaux sur le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour savoir exactement la nature et les montants des transferts de charges de l'Assurance-maladie vers les mutuelles.

Aujourd'hui, vous n'avez donc pas une totale visibilité sur les montants qui vont être transférés de la Sécurité sociale vers les mutuelles ?

Par exemple, si le PLFSS 2024 est adopté par 49-3, on peut avoir des amendements qui n'étaient pas attendus. Je n'ai rien de particulier en tête, mais il faut se dire que tant que les choses ne sont pas actées, on peut toujours avoir des prises en charge supplémentaires. Il faudra donc voir de quelle manière on les prendra en charge.

L'an prochain, le groupe MGEN avec 17 autres organisations de la société civile, des syndicats et des ONG, va former un "pacte progressiste" pour prendre position dans le débat sur la fin de vie. Le gouvernement devrait présenter un projet de loi d'ici la fin de l'année 2023. On verra quelle sera la direction prise. Suicide assisté ou euthanasie ? Où va votre préférence ?

Avec l'ADMD, l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, nous avons travaillé finalement à un plaidoyer commun qui vise à la fois à demander à ce que que le suicide assisté fasse partie des réponses de l'aide à mourir aux côtés de l'euthanasie, mais pas le choix entre l'une ou l'autre des solutions. Toutes les études ont montré que l'évaluation de la loi de 2005 Claeys-Leonetti ne permettait pas de répondre à toutes les situations.

Pourquoi est ce qu'il faut qu'il y ait les deux ?

Si on prend la situation du suicide assisté, cela signifie que soi-même, on est amené à s'injecter le produit qui mettra fin à ses jours.

"Dans le cas de personnes qui n'ont pas la capacité physique ou morale de choisir pour eux-mêmes et par eux-mêmes, on ne peut pas laisser des souffrances perdurer."

Matthias Savignac

à franceinfo

Est-ce que vous pensez que les Français sont prêts ?

Les Français sont prêts. Depuis deux ans, le groupe MGEN a engagé une réflexion collective auprès de son tissu militant, de son tissu salarié et de ses adhérents. On voit que plus de 92% de la population française est en faveur d'une évolution de la loi, parce que la loi actuelle ne permet pas de répondre à toutes les situations. Il ne faut pas imaginer qu'une nouvelle loi répondra à toutes les situations, mais si elle permet d'empêcher des souffrances supplémentaires à des personnes qui ne souhaitent pas les vivre, je trouve que c'est une avancée sociale importante.

Quel sera votre rôle à vous dans ce nouveau modèle à la française ?

Bien évidemment, on porte une parole, mais la parole s'accompagne d'actes. Pour mémoire, le groupe MGEN est engagé sur ces sujets-là depuis fort longtemps. En 1994, on ouvrait notre première unité de soins palliatifs qui permet de prendre en charge et de soulager la douleur pour les personnes en fin de vie. On continuera et on milite aujourd'hui aux côtés de l'ADMD pour la généralisation des soins palliatifs et un accès général pour l'ensemble de la population à cette solution très importante. On plaide aussi pour qu'il y ait une égalité de droits de tous les citoyens, de toutes les citoyennes face à la mort. On milite aussi pour une généralisation de l'aide active à mourir, suicide assisté et euthanasie. Et on verra de quelle manière, lorsque la loi sera passée, les complémentaires santé pourront accompagner chacune et chacun dans son parcours. Aujourd'hui, tant qu'on n'a pas les contours de la loi, les modalités, les principes, il est difficile de se projeter sur les modalités d'accompagnement. On s'intéresse beaucoup aujourd'hui, et c'est légitime et c'est normal, aux souffrances des personnes qui sont dans ces situations de fin de vie. Mais je pense qu'il faudra aussi s'intéresser aux personnes qui restent, c’est-à-dire l'accompagnement des familles qui ont perdu un proche, l'accompagnement au deuil parce que ce sont des situations très particulières.

Ce que vous dites aujourd'hui, c'est que la société est prête pour avoir ce débat de façon sereine, afin d'avoir un modèle à la française qui soit ni le modèle suisse ni le modèle belge, mais une sorte des deux en même temps ?

Je le pense. D'ailleurs, la convention citoyenne, ces 185 citoyens qui n'étaient pas experts du sujet, a réalisé un formidable exercice de démocratie. Au cours de plusieurs semaines et par des travaux accompagnés et collectifs, ils ont permis de faire émerger une solution qui reprend les points que j'évoquais : un égal accès de toutes et tous aux solutions, le développement des soins palliatifs et un accès à l'aide active à mourir, avec à la fois le suicide assisté et l'euthanasie. On voit qu'il est important aussi qu'il y ait une réappropriation de ces sujets-là par les citoyens et il faut se dire qu'on ne peut pas laisser ces sujets qui relèvent à la fois de l'éthique, de l'humanisme, de l'accompagnement aux seuls médecins et aux seuls spécialistes. Nous sommes, vous et moi, spécialistes de notre existence et il faut pouvoir avoir voix au chapitre. C'est la raison pour laquelle on s'est organisé, puisque celles et ceux qui sont contre sont aujourd'hui organisés pour porter d'une seule voix finalement leur parole à nos positions. Et on a décidé d'organiser notre voix au sein de ce pacte progressiste.

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