Grande distribution et EGalim : "L'industriel doit donner aux distributeurs la part de matières premières agricoles en toute transparence", selon la déléguée des grands distributeurs
La fédération du commerce et de la distribution (FCD) regroupe presque toutes les grandes enseignes : Leader Price, Carrefour, Auchan, Franprix, Casino, et récemment Intermarché ainsi que Leclerc. La toute nouvelle déléguée générale qui remplace Jacques Creyssel depuis lundi 15 avril, s'appelle Layla Rahhou. Pour elle, la bonne rémunération des agriculteurs passe par une nécessaire transparence des industriels au sujet des prix de la matière première agricole.
Layla Rahhou : A priori, la proposition de loi écologiste sur les prix plancher sera abandonnée, et nous nous en réjouissons, parce que ça fait partie des mauvaises idées pour aider à mieux rémunérer les agriculteurs. Nous sommes contre cette proposition et nous ne sommes pas les seuls, la FNSEA aussi s'est opposée, ainsi que le gouvernement. L'intérêt est aujourd'hui de regarder comment réparer la loi EGalim, qui malheureusement a beaucoup de défauts aujourd'hui.
Qu'est-ce que vous allez défendre pour la mise en place pour la nouvelle version d'EGalim attendue pour l'été, qui est censée améliorer les relations commerciales entre industriels et acteurs de la grande distribution, que vous représentez aujourd'hui.
J'ai rejoint la FCD en 2020, il y a à peine trois ans et demi. J'en prends la tête et j'en suis déjà à ma quatrième loi sur les relations commerciales. Le problème des EGalim, c'est que le principe fondamental était une protection de la rémunération des agriculteurs.
"Pour protéger l'agriculteur, il doit y avoir un contrat entre l'agriculteur et l'industriel, puis l'industriel doit donner aux distributeurs la part de matières premières agricoles en toute transparence, que le distributeur ne négocie pas."
Layla Rahhouà franceinfo
Le principe est très simple, sauf qu'il n'y a ni contrat, ni transparence. Et donc la loi ne fonctionne pas.
Il n'y a pas de transparence des deux côtés, côté distributeur comme côté industriel, il faut être deux pour signer un accord.
C'est l'industriel qui vient de vous expliquer à combien il a acheté la matière première agricole. Donc c'est à lui d'avoir un effort de transparence envers nous. Nous, on est assez transparent de manière générale, on publie nos comptes, on publie même nos marges par rayons.
Vous êtes en train de dire que certains industriels ne publient pas leurs comptes.
Oui, le sujet de la transparence, c'est le sujet de l'industriel.
"C'est à l'industriel de nous montrer, pas sur tout ce qu'il achète, mais simplement sur la matière première agricole, notamment la matière principale des produits. Elle doit être transparente pour qu'on puisse la rémunérer et être sûr qu'elle revient bien à l'agriculteur."
Layla Rahhouà franceinfo
Donc vous allez le demander précisément dans le cadre de la nouvelle version de la loi. De voir exactement quelle est la part qui doit revenir aux producteurs, quel est le coût de la matière première.
Oui, parce qu'on ne l'a pas. Et le législateur nous demande de créer des clauses d'indexation à la hausse, à la baisse en fonction des cours et des marchés des matières premières agricoles, sur une matière agricole qu'on ne connaît pas.
Mais les industriels répondront que désormais vous passez par des centrales d'achat européennes, que finalement les dés sont pipés, que ces négociations commerciales ne servent pas à grand-chose puisque finalement c'est ailleurs que ça se passe.
Alors les centrales d'achat européennes ne négocient qu'avec les 40 plus grands industriels. Ils ne négocient absolument pas avec les agriculteurs et ils négocient sur des produits qui ont très peu de matières premières agricoles, ou alors de la matière première agricole souvent pas française. Donc le sujet de la matière première agricole, il est dans les négociations en France, il n'est pas à l'Europe.
La FCD compte 20 000 magasins de proximité dans le pays, contre 2 300 hypermarchés. Or, quand on regarde par exemple les résultats de Carrefour, qui est un de vos adhérents, les magasins de proximité représentent 79% du parc, mais seulement 18% du chiffre d'affaires. Est-ce que le modèle n'est pas remis en cause avec le dispositif ZAN - Zéro artificialisation des sols - que vous dénoncez en partie ?
Il y a une mutation, évidemment, des formats de magasins qui est à l'œuvre.
"Le modèle de l'hypermarché a été beaucoup remis en cause, mais en réalité, pendant la crise inflationniste, il a été plébiscité par les Français."
Layla Rahhouà franceinfo
L'important effectivement pour les enseignes est de trouver le bon modèle en fonction de leur stratégie commerciale. La difficulté du zéro artificialisation nette, c'est qu'on ne peut pas créer de nouveaux hypermarchés sur des terres non artificialisés. Il faut qu'on construise sur du foncier qui est déjà artificialisé. Et ce foncier, généralement, ce sont nos parcs de stationnement, nos parkings.
Et vos parcs de stationnement sont déjà mobilisés ?
Oui puisqu'ils vont devenir des centrales photovoltaïques, pour aider le gouvernement à respecter sa trajectoire de la loi énergétique.
La loi Climat résilience, qui a été promulguée en août 2021, demande l'installation de panneaux photovoltaïques pour les entrepôts, les hangars et les parkings de plus de 5000 mètres carrés.
Ça, c'est la première loi. Il y en a eu une deuxième, la loi d'accélération de la production des énergies renouvelables, qui est venue s'additionner à cette première loi. On doit installer des panneaux photovoltaïques sur l'ensemble des places de stationnement de nos parkings et de nos toitures.
On va donc mobiliser l'entièreté de notre foncier disponible, qui pouvait nous servir justement à tous ces projets de transformation de magasin, puisque les business models doivent changer. De plus, le gouvernement annonce qu'il veut lancer une filière photovoltaïque française à laquelle finalement on ne pourra pas participer, puisqu'elle interviendra après qu'on a acheté les panneaux. Et donc on va devoir se fournir en Chine, ce qui est vraiment dommageable.
Qu'est-ce que vous allez faire du coup ? Quel est l'enjeu, pour la fédération que vous représentez aujourd'hui ?
L'enjeu pour les enseignes, c'est de rénover les magasins d'abord, de les rendre plus attractifs, avec de plus en plus de services dans les magasins. Cette rénovation, elle est essentielle pour attirer encore les gens en magasin.
Retrouvez cette interview en vidéo :
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.