Immobilier : la décision de la BCE d'abaisser son principal taux directeur est "une bouffée d'air frais" pour la Fédération des promoteurs immobiliers

La Banque centrale européenne annonce jeudi baisser de nouveau ses taux directeurs. "Ce n'est pas énorme, mais ça va dans le bon sens", estime Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI).
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, le 12 septembre 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

L'immobilier est un secteur en crise qui alerte depuis des années. La Banque centrale européenne (BCE) a baissé ses taux directeurs, jeudi 12 septembre, pour la deuxième fois en trois mois, ce qui devrait desserrer les conditions de crédit des ménages et des entreprises. La BCE a abaissé son principal taux directeur de 0,25 point, face à une inflation en repli, mais sans s'engager sur la suite de l'assouplissement monétaire. Le taux sur les dépôts, qui fait référence, a été porté à 3,50%.

franceinfo : Pour vous, est-ce une bouffée d'air frais ?

Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) : Oui, c'est incontestablement une bouffée d'air frais. Ils viennent de baisser de 0,25 et on sait qu'un point ça resolvabilise 10% de la clientèle. Donc, là, on peut estimer qu'on aura resolvabilisé 2,5% de la clientèle. Ce n'est pas énorme, mais ça va dans le bon sens.

Si c'est plus facile et moins cher pour les banques d'emprunter, ce sera potentiellement plus facile aussi pour des acheteurs particuliers ou professionnels. Vous vous attendez à ce qu'il y ait au moins un effet psychologique, au-delà d'une baisse du coût de l'emprunt, que ça redynamise votre marché ?

Ça va dans le bon sens. De là à redynamiser le marché, non, je ne pense pas. Ça va l'améliorer. Dans cette crise profonde, violente que nous vivons, c'est une bonne nouvelle. Ça ne va pas tout changer.

Le secteur de la construction neuve, aujourd'hui, va mal, de plus en plus mal ?

Écoutez, moi je suis l'oiseau de mauvais augure. Tous les trimestres, j'annonce qu'on a touché le fond et tous les trimestres, on est encore plus mauvais que le trimestre précédent ou que le trimestre n-1. On est aujourd'hui à peu près à la moitié, aussi bien en mise en vente qu'en réservation d'une année normale. Donc on est à -50 et on continue à baisser. On va finir l'année, peut-être à -60, -65, on verra bien. Donc ça va très mal, bien sûr. Comment voulez-vous faire un business modèle quand vous êtes à 35 ou 40% de votre objectif ?

Il n'y a pas de demande, il n'y a pas d'offre non plus. Tout est bloqué ?

Tout est bloqué. Au départ, on avait un problème d'offre. Les maires n'aimaient plus tellement donner des permis de construire. Les maires bâtisseurs n'étaient plus à la mode. Et depuis la montée des taux d'intérêt, nous n'avons plus de demande, nous avons une demande qui n'a pas été solvable. Donc comme nous n'avons pas beaucoup de demandes, nous ne mettons plus rien à l'offre et la crise alimente la crise. C'est ça le vrai problème, c'est qu'aujourd'hui, j'ai un problème de demande. Le jour où la demande reviendra, et elle va revenir, je le pense, le jour même, je dirai, j'ai un problème d'offre parce que comme nous ne mettons plus rien à l'offre, quand il y aura la demande, nous n'aurons pas assez d'offres. C'est assez kafkaïen d'ailleurs.

Parce que parfois il y a des projets qui sont autorisés par des élus, mais qui ne naissent pas quand même ?

Oui, bien sûr, j'ai mis une nouvelle stat en circuit dans nos statistiques. J'ai fait ma conférence de presse il y a une semaine où nous avons 23% de retraits de logements dus à des causes commerciales, non pas à des causes techniques, non pas des causes juridiques, à des raisons commerciales. On a essayé de vendre, ça ne vend pas, on retire. Donc, aujourd'hui, ce problème d'offre que j'entends quelquefois est désuet, c'est vraiment relancer cette demande qui existe. Le besoin est là, la demande est là, mais elle n'est pas forcément solvabiliser. Et une fois qu'on aura remis cette demande en route, on traitera le problème de l'offre qui sera insuffisante.

Quel impact ça a pour vous, promoteurs immobiliers ? Certains doivent-ils doivent procéder à des licenciements ? Mettre carrément la clé sous la porte ?

Il y a de tout. En fait le secret, c'est la trésorerie et les fonds propres. Ceux qui ont une grosse trésorerie et des fonds propres font dos rond, mais tous, quelle que soit leur taille, du petit au plus gros promoteur français, tous ont licencié, tous réduisent leur voilure, si vous me permettez l'expression. Et certains ont déjà mis la clé sous la porte, malheureusement. Mais ça, je l'ai annoncé depuis longtemps, .

La situation est-elle la même dans toutes les régions de France ?

Oui, c'est plutôt un problème national, c'est une conjoncture nationale. C'est un problème qui est global. Il n'y a pas la confiance, il n'y a pas les financements. Donc oui, c'est national.

Il n'y a pas de marge de manœuvre, dites-vous que vous ne pouvez pas baisser vos prix ?

Non, c'était le grand débat qu'on avait avec le gouvernement qui disait, mais le logement est trop cher, donc faisons un peu souffrir les professionnels, ils vont s'adapter. Et mon débat a toujours été de dire non, on n'a pas de marge de manœuvre, nos marges sont très faibles. Et donc qu'est-ce qui se passe ? On ne baisse pas nos prix parce que techniquement, on n'y arrive pas. On quitte le marché.

Nous avons un nouveau Premier ministre, Michel Barnier. Il a déjà pris plusieurs fois la parole. Ses prises de parole vous ont-elles donné confiance ou vous ont inquiété ? Avez-vous déjà eu des échanges avec lui ?

Les prises de parole du Premier ministre Michel Barnier sont plutôt rassurantes pour nous. À chaque fois qu'il prend la parole, il dit qu'il faudra s'attaquer au logement et notamment à la construction de logements. Donc je sais qu'il s'y intéresse. J'ai eu des contacts un peu unilatéraux. Ce sont des messages que j'ai laissés par SMS. Je n'ai pas eu de réponse, mais je sais qu'il en a parlé à quelques députés ou sénateurs qui m'ont fait le retour.

Il le sait très bien, ça va très mal, on est à la moitié de l'année normale, c'est le contre-la-montre pour nous. Il y a le PLFR qui va arriver, etc. On n'a pas vraiment le temps. 

"Une solution très simple : ne stoppez pas le Pinel à la fin de l'année, reportez-le pour encore trois ans."

Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers

à franceinfo

Le Pinel doit s'arrêter au 31 décembre 2024. Nous demandons qu'on reporte encore de trois ans. Et dans la version qui était le Pinel d'avant 2022.

Le dispositif Pinel est un dispositif d'investissement locatif qui permet à des particuliers d'acheter dans le neuf avec une réduction d'impôt à condition de pratiquer des loyers plafonnés, mais normalement ça doit s'arrêter en fin d'année. Il n'y a pas encore de budget, il n'y a pas encore de gouvernement. Donc vous vous dites que ce n'est pas encore perdu ?

Ce n'est pas encore perdu. Parce qu'en plus, la semaine dernière, la Cour des comptes a sorti un rapport sur le Pinel qui était favorable, pas parfait, mais favorable. Qui dit que c'est comme ça que les locataires sont heureux. Le Pinel permet aussi de lancer les programmes parce que les investisseurs viennent au début. Ça permet de lancer des programmes de logements sociaux. Il y a une crise dans le logement social. Nous, les promoteurs privés, la FPI, nous produisons 54% du logement social en France. Comme on fait la moitié moins, à due concurrence, on produit moitié moins de logements sociaux que d'habitude. Donc le Pinel a cet effet vertueux qui permet de déclencher les programmes. Là, on est dans l'urgence médicale. Et la réponse à l'urgence médicale, c'est ne stoppez pas le Pinel au 31 décembre. Remettez-le dans sa version qui marchait bien avant le 31 décembre 2022. Et vous allez voir, ça va dérouler.

Ce rapport de la Cour des comptes expliquait qu'il ne remplissait qu'imparfaitement son objectif de construction, mais qu'il avait largement contribué au déclenchement d'opérations immobilières qui n'auraient pu, ou moins rapidement, aboutir. Impossible d'en évaluer précisément l'impact, dit la Cour.

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