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Les "bistrots" parisiens veulent figurer au Patrimoine mondial de l’humanité

Alain Fontaine, président de l’Association pour l’inscription au Patrimoine immatériel de l’Unesco des bistrots et terrasses de Paris était l'invité de "L'interview éco" vendredi 8 juin sur franceinfo

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Alain Fontain, président de l’Association française des maîtres restaurateurs (AFMR). (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Les bistrots et terrasses parisiennes seront-ils inscrits au patrimoine immatériel de l'Unesco ? C'est l'objectif de l'Association pour l’inscription au Patrimoine immatériel de l’Unesco des bistrots et terrasses de Paris. "Nous aurons la mairie de Paris qui normalement devrait annoncer son soutien", a annoncé, en exclusivité pour franceinfo, Alain Fontaine, président de cette association. Il était l'invité de "L'interview éco" vendredi 8 juin.

franceinfo : Quel est l'intérêt de cette démarche ? 

Alain Fontaine : On est tout un groupe, on a créé l'Association pour l'inscription au patrimoine immatériel de l'Unesco des bistrots et terrasses de Paris, pour leur art de vivre. Et leur art de vivre est très important. L'intérêt c'est de sauvegarder ces bistrots et cet art de vivre dans les bistrots et terrasses.

Les bistrots parisiens sont-ils menacés aujourd'hui ? 

Oui. Les points de restauration sur Paris n'ont pas changé. C'est à dire qu'il y a toujours autant de points de restauration à Paris, sauf qu'à la fin des années 1980, 50% de ces points de restauration étaient des bistrots, aujourd'hui ils ne sont plus que 14%. Ces bistrots ont été rachetés, soit pour en faire des fast-foods, soit pour faire des sandwicheries, soit pour se transformer en banque ou en agence immobilière. Le problème, c'est que ces bistrots et ces terrasses de Paris étaient des lieux de fixation sociale. C'est très important. Il y a des quartiers aujourd'hui à Paris qui n'ont plus de bistrot. Avant, il y avait un bistrot à chaque coin de rue et c'était le lien social d'un quartier. Aujourd'hui, cela disparaît parce que nous avons de véritables menaces.

Quelles sont ces menaces ?

La première, c'est les nouvelles technologies qui font que les gens rentrent plus vite chez eux pour se mettre devant leur ordinateur. Quand ils sont devant un écran, ils ne sont pas au comptoir et puis ils achètent dans des sandwicheries ou dans des fast-foods des choses pour manger chez eux. Tout cela a été accéléré par les tragédies du 13 novembre 2015. L'autre menace qui a vidangé le petit café du matin, c'est un acteur américain qui fait une publicité pour une machine à café. Et bien sûr, cette machine à café, on la retrouve dans les bureaux mais aussi aux domiciles. Ce qui fait que les gens ne vont plus au bistrot. Une autre menace, c'est la transmission, car les bistrots sont des indépendants, ce ne sont pas des chaînes de restauration. Nous, on ne regarde pas la ligne du bas de notre bilan financier mais on regarde la satisfaction du client. On passe du temps, on dépense de l'énergie, on élève souvent nos enfants dans nos bistrots et on a du mal à transmettre à nos enfants parce qu'ils nous voient peiner évidemment.

Le prix de l'immobilier a-t-il aussi un impact sur les bistrots et terrasses à Paris ?

C'est un vrai sujet. C'est pour cela que dans les sponsors de l'association, on a une société immobilière qui s'occupe des baux commerciaux et en particulier de la restauration, parce qu'ils sont les grands témoins de cela et ils voient bien que les bistrots disparaissent parce que les baux changent. Il y a des augmentations tellement fortes par rapport à ce que produit en rentabilité un bistrot, que les bistrots ne peuvent pas suivre, et donc ils vont donner ça à des chaînes de restauration.

Comment définiriez-vous le bistrot parisien ? 

Le bistrot est ouvert du matin très tôt jusqu'à très tard le soir. C'est un zinc où on peut manger. Vous pouvez manger, vous pouvez boire à un zinc. C'est une véritable cuisine, une cuisine faite maison mais surtout c'est une cuisine qui a un sens diététique. On est toujours surpris de voir que la France est le deuxième pays où on vit le plus longtemps. Mais pourquoi ? Parce que nous avons, à l'inverse de beaucoup de pays étrangers, une véritable pause-déjeuner.  

Cette pause-déjeuner a-t-elle tendance à disparaître elle aussi ?

Et bien justement, c'est le coeur du débat. C'est pour cela qu'on voit les sandwicheries et les fast-foods se développer, parce qu'on oublie que cette pause déjeuner est primordiale pour notre santé. 

Qui est la clientèle des bistrots parisiens ? 

On a de tout, aujourd'hui c'est un brassage. Se croisent le matin ou à midi, des ouvriers, des employés, des cadres, cadres supérieurs et des directeurs généraux parce que nous avons un modèle économique qui permet à tous de profiter de cette ambiance. 

On parle beaucoup de bistronomie, quelques fois avec de très beaux résultats à table mais avec des additions élevées...

C'est effectivement un des éléments qui fait qu'on va faire classer les bistrots parce qu'il y a un leurre. La bistronomie, c'est l'art culinaire de faire de la cuisine de bistrot dans un restaurant. Qu'on soit très clairs : moi, dans mon bistrot, je fais de la cuisine. Point. 

Est-ce que la mairie de Paris vous soutient ?

La mairie de Paris nous voit avec un très bon oeil. Anne Hidalgo a d'ailleurs retweeté aujourd'hui des articles qui sont passés dans la presse. Et je vous le donne en exclusivité, lundi matin à la conférence de presse, nous aurons la mairie de Paris qui normalement devrait annoncer son soutien.

Avez-vous aussi le soutien du chef de l'Etat Emmanuel Macron ? 

On l'a croisé, on lui en a parlé et après on a vu sa conseillère spéciale Audrey Bourolleau. Ils sont dépositaires de tous les dossiers français. Ils ne peuvent pas prendre parti pour un dossier plutôt qu'un autre mais ils voient ce dossier avec bienveillance. On a été reçu pendant plus d'une heure par sa conseillère spéciale donc cela veut dire qu'on a une belle histoire à raconter, on a des choses à dire. 

Comment estimez-vous vos chances de réussite ? 

La deuxième phase, c'est l'art de vivre qu'on veut mettre en place. C'est-à-dire le brassage culturel qu'on a réussi à préserver malgré tout ce qui se passe dans les autres pays. C'est l'art de vivre et on veut offrir à l'Unesco, sans prétention et sans arrogance, cet art de vivre qui est un véritable exemple.

Si vous allez au bout de la démarche, quand arrivera la réponse de l'Unesco ? 

Décembre 2019, janvier 2020.

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