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Pour l’économiste Daniel Cohen, "le populisme est la maladie sénile du libéralisme"

Dans ses vœux aux Français, Emmanuel Macron a prédit la "fin" du "capitalisme ultralibéral et financier". Pour l’économiste Daniel Cohen, "c’est profondement juste". Il appelle maintenant le chef de l’État à changer de politique.  

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Daniel Cohen, invité de franceinfo mercredi 2 janvier.  (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre, Emmanuel Macron a déclaré qu’il voulait "remettre l’homme au cœur du projet contemporain". Slogan ou programme ? Pour Daniel Cohen, directeur du département d’économie de l’École normale supérieure, "c’est très important. La question se joue notamment avec les nouvelles technologies. Ce monde numérique nous demande de nous transformer en données que des algorithmes pourraient gérer. Et ce monde-là devient irrespirable".  

"Une solitude croissante"  

L’économiste a publié récemment Il faut dire que les temps ont changé… Chronique (fiévreuse) d’une mutation qui inquiète (Albin Michel). Selon Daniel Cohen, "la tentation des gouvernements, et ce gouvernement ne peut pas y résister, est de faire constamment des économies sur l’humain, en remplaçant des personnes par des algorithmes. On le voit déjà avec les impôts. Tant mieux si c’est plus simple, mais à condition de ne pas laisser sur le chemin les gens qui n’ont pas accès à ces technologies".  

Cette inquiétude traverse le mouvement des "gilets jaunes" : "Son cœur, selon Daniel Cohen, est une forme de désocialisation des existences humaines. On est de plus en plus seul. Le mouvement des "gilets jaunes", son centre de gravité, ce sont de petites villes où véritablement on a l’impression que le monde public, social, se rétrécit. Là où la caserne est partie, l’hôpital est partie, l’école est partie, etc. Des territoires français sont abandonnés parce qu’on cherche constamment à faire des économies. Au prix d’une solitude croissante".  

"Le populisme, c'est la pathologie du néolibéralisme"

Dans son discours de vœux, le chef de l’État a prononcé une phrase qui a été peu relevée : "Le capitalisme ultralibéral et financier trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin". Daniel Cohen estime "très étonnant, très intéressant que le président de la République le dise. Je crois que c’est profondément juste. En mai 68, Cohn-Bendit avait ditle gauchisme, c’est la maladie sénile du communisme’. Il le disait en réponse aux critiques que les communistes adressaient aux gauchistes. On pourrait presque prendre cette formule est dire que le populisme est la maladie sénile du libéralisme. Le libéralisme économique, celui qui monte depuis le début des années 1980 et 1990, a cherché des économies, du cost cutting général. Le populisme, c’est la pathologie de ce néolibéralisme qui ne raisonne qu’en terme d’économies à faire sur les personnes".  

Souhaite-t-il qu’Emmanuel Macron change de politique économique ? "Pour l’instant, il a surtout fait une politique qui prenait dans la poche des uns pour mettre dans la poche des autres. Le gouvernement s’est un peu perdu dans le labyrinthe d’une politique économique et fiscale complexe (…) Il faut revenir à des paramètres plus simples (…) Si on veut définir un avenir, il faut aller au-delà des économies à faire".  

Couverture du livre Il faut dire que les temps ont changé...’: Chronique (fiévreuse) d'une mutation qui inquiète par Daniel Cohen.  (ALBIM MICHEL)

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