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Le "on verra" turc de François Hollande

En proposant ce lundi de soumettre l'adhésion turque à référendum en France, le chef de l'Etat s'évite une polémique de plus au sujet d'une Europe devenue un épouvantail aux yeux des Français. 
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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Et tout d'abord, ne coupez votre poste pendant
cet édito, même si vous avez envie de zapper dès qu'il est question d'Europe. J'aurais pu vous parler
des chiffres du chômage ou du
voyage de Valérie Trierweiler en Inde, mais le sujet qui va suivre concerne
notre vie quotidienne, budget, fiscalité, pouvoir d'achat, ces travailleurs
détachés bon marché que vous croisez tous les jours sans y prêter attention...

La proposition de François Hollande,
en visite officielle à Ankara, de consulter le peuple français
par référendum, sur une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union Européenne

  • ce qui est équivaut à dire NON aux Turcs avec le sourire- montre bien que cette
    Europe est bel et bien devenue un repoussoir chez nous. 

Le chef de l'Etat était pressé par son homologue
Abdullah Gül.

François Hollande a dû calmer l'impatience des
Turcs, candidats depuis... quinze ans à une adhésion. Jacques Chirac y était
plutôt favorable, si toutes les conditions étaent remplies en matière de démocratie, de convergence économique, comme l'exigent les
critères de Copenhague. Nicolas Sarkozy s'y est, lui, fermement opposé, considérant
que cette Turquie aux portes du Moyen-Orient n'appartenait pas à l'Europe, mais
devait rester un partenaire important. Confortant ainsi les 83% de Français aujourd'hui
hostiles, selon IFOP, à une adhésion. 

François Hollande, plutôt sur les mêmes positions
que Jacques Chirac, a donc ménagé les Turcs, ce qui est bon pour le commerce :
moi, je ne ferme pas la porte. Tout en bottant en touche : les Français
auront le dernier mot par voie référendaire. C'est-à-dire dans un avenir très
lointain, avec un vote à priori négatif. Le chef de l'Etat a surtout évité d'allumer
le feu avant les élections européennes qui devraient faire la part belle aux Europhobes.

La candidature
de la Turquie, c'était vraiment un sujet ?

Dans une Europe à 28, qui ne cesse de grandir sans
pouvoir sécuriser les peuples qui la composent, en matière de fiscalité et de
social, cela devient même un énorme problème. La question n'est plus de savoir
si la Turquie, en proie à des affaires de corruption, à une islamisation
croissante, si cette nation devenue un passage obligé pour les candidats au
Djihad en Syrie peut intégrer l'Europe. Non, le vrai sujet aujourd'hui est celui
de l'élargissement : l'Union doit marquer une pause avant de digérer de nouveaux
membres. L'urgence est de faire en sorte qu'elle ne soit plus seulement un
marché, mais qu'elle se dote d'une vraie gouvernance politique. Nous en sommes
très loin.

C'est
justement l'enjeu des prochaines européennes ?

Ce sera un premier pas : le futur président de
la Commission, qui va succéder à José Manuel Barroso, sera issu de la famille
politique qui remportera le scrutin en mai, disposition voulue par le Traité de
Lisbonne. L'enjeu est donc bien plus important que celui de nos élections
intermédiaires qui paralysent la vie politique hexagonale. L'Europe épouvantail
est à un tournant de son histoire. Soit elle accède à l'idéal de ses pères
fondateurs et reprend son rang au niveau mondial. Soit elle reste un marché
commun sans direction politique, sans ambition, et maintient ses Etats membres
dans une crise durable. Avec ou sans la Turquie.

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