Un débat fiscal plutôt qu'un remaniement
C'est en
tous les cas un joli coup de Jarnac. Avec cette interrogation au passage :
Ayrault a-t-il forcé la main à Hollande ? La question a couru dans les
rangs de la majorité, de l'interview publiée dans les Echos hier matin,
jusqu'au match des Bleus qui a permis à tout le monde de se détendre et de
penser à autre chose que nos impôts. Une personnalité de l'aile gauche du PS
s'est interrogée: "Ce chantier est une très bonne nouvelle, nous le
réclamons depuis de longs mois, mais j'ai l'impression que Jean-Marc a mis
François au pied du mur, pour reprendre la main. Les responsables des groupes
parlementaires à l'Assemblée et au Sénat vont d'ailleurs trainer des pieds pour
plancher sur cette réforme fiscale" .
Ce qui est vrai est que Jean-Marc
Ayrault a pris tout le monde de court en proposant cette mise à plat fiscale.
Les habituels participants de la réunion du lundi à Matignon sont tombés de
l'armoire. Personne n'était prévenu, pas même à Bercy. Le Premier ministre créée
un élément de surprise alors que le couple Hollande-Ayrault subit les
évènements depuis la rentrée.
Qui a
eu l'idée ? Hollande ou Ayrault ?
C'est la
poule et l'œuf. En fait, cela fait très longtemps que François Hollande évoque
un projet de fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu, bien avant sa future
candidature à la présidentielle. L'ex Premier secrétaire du PS était dans sa
traversée du désert, et le Parti socialiste attendait le retour de son
champion, Dominique Strauss-Kahn encore patron du FMI. Puis la fusion est
devenue l'un des piliers de la campagne primaire socialiste. Le candidat
Hollande a surfé sur cette promesse, qui a ensuite fait pschitt une fois élu,
comme d'habitude. Qui l'a remise cette fois au goût du jour ? Certains
proches du président affirment que la décision a été concertée, même si c'est le
Premier ministre qui l'aurait mise sur la table. L'opération, finalisée entre
eux au téléphone, est survenue, comme par hasard, au moment où le président
était en déplacement au Proche-Orient. Jean-Marc Ayrault donne l'impression de
s'imposer enfin comme chef du gouvernement, et François Hollande de prendre de
la hauteur.
Et du
coup, il n'est plus question de remanier ?
C'est
plus une mise à plat de la stratégie gouvernementale à laquelle nous assistons.
Qu'on se le dise, François Hollande ne peut pas remanier dans l'immédiat, il le
sait, il est coincé, et il veut gagner du temps, à moindres frais. Jean-Marc
Ayrault, fragilisé à Matignon, commet au passage un acte d'autorité, et se
replace en première ligne. C'est finement joué.
Et
cela va éteindre la colère fiscale ?
Mais non.
Vous connaissez le principe : quand vous voulez enterrer un sujet, vous
créez une commission. Mais là, pour le coup, le gouvernement ne pourra pas être
accusé d'empiler des taxes sans réfléchir au moyen de réformer un système
devenu zinzin. Et le chantier va impliquer tout le monde, politiques,
partenaires sociaux, ceux qui resteront sur le banc de touche n'auront qu'à
s'en prendre à eux-mêmes, c'est plutôt malin. Même si en attendant, les
contribuables vont continuer à râler devant le matraquage fiscal qui ne va pas
s'arrêter pour autant. Les hausses de TVA au premier janvier ne vont pas bouger.
Et puis gare à ce débat fiscal propice à tous les dérapages. Mais ça, c'est une
autre histoire, pour 2014. Nous aurons entretemps la coupe du monde de foot. Si
les Bleus au passage donnent un petit coup de pouce au gouvernement, après les élections,
ce ne sera pas du luxe...
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.