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Guerre en Ukraine : qui est Evgueni Prigojine, ce milliardaire proche de Poutine qui recrute dans les prisons russes pour les milices Wagner ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo - Bérengère Bonte
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Vidéo postée sur Telegram montrant un responsable du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, dans une colonie pénitentiaire. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Evgueni Prigojine est cet homme que l'on a pu voir ces derniers jours en train de recruter dans les prisons russes pour les milices Wagner. Il a toujours nié être lié aux milices Wagner. Pourtant celui qu’on surnomme le « cuisinier de Poutine » a clairement été identifié ces derniers jours par de très nombreuses sources sur une vidéo où il propose à des prisonniers la liberté contre six mois de service sur le front ukrainien. Le langage est particulièrement fleuri : il faut juste "qu’ils ne se droguent pas", ni qu’ils aient "violé, femmes… ou même faune, flore, hommes, ou quoi que ce soit d’autre." La conclusion est glaçante : "vous avez 5 minutes pour vous décider."

Prigojine a fait fortune dans la restauration, d'où son surnom. L’une des images de lui les plus connues le montre d’ailleurs face à Vladimir Poutine qui est attablé et à qui il amène un plat. Tous deux sont nés à Saint Pétersbourg, Léningrad à l’époque, Prigojine en 1961, 9 ans après le président russe. Et plutôt qu’en cuisine, c’est dans une délégation olympique aux Jeux olympiques d’hiver qu’on aurait pu le retrouver : ce fils d’ingénieur des mines fait sa scolarité dans un lycée de sport et rêve de devenir skieur professionnel. Sauf qu’il s’inscrit en parallèle à l’Académie de Chimie et de pharmacie. Et surtout qu’il est arrêté pour vol à l’âge de 18 ans. La première fois il s’en tire avec du sursis. Mais comme il récidive, il écope de 12 ans de prison. C'est plus sérieux : vol en bande organisée escroquerie, participation à un réseau de prostitution.

Une agence d'influence sur les réseaux sociaux

À sa sortie en 1990, au moment de la chute de l’URSS, il profite de cette période un peu chaotique pour monter avec son beau-père un fast food, des hot-dogs. Il prend des parts dans la première chaîne d’épicerie de la ville et fait fortune en montant notamment un restaurant qui devient vite l'un des plus courus de Saint-Pétersbourg. Ce restaurant déménage sur un bateau sur la Neva. C'est là qu'il rencontre et se lie à Vladimir Poutine, qui lui amènera les grands de ce monde, notamment Jacques Chirac en 2001, qui sera servi par Prigojine en personne. Il devient le cuisiner des puissants, rafle tous les contrats d’Etat, les écoles, les armées, le Kremlin. Et il commence un peu à se faire repérer car il affiche le Yacht à double pont, le manoir et l'hélicoptère privé.

En 2013, son group Concord crée un véritable outil de propagande :l'Internet research agency, qui va très vite employer des centaines de personnes. Son but : déstabiliser les opposants russes, soutenir les mouvements d'opposition en Ukraine ou en Syrie et tenter d'influence les élections dans certains pays africains, notamment Madagascar et le Zimbabwe.

En 2016, Washington est persuadé qu'il participe directement à l'ingérence russe dans la présidentielle américaine en montant une véritable "usine à trolls". Prigojine niera catégoriquement et réclame 50 milliards de dollars de compensation.

Un soutien financier aux milices Wagner

Il est aussi soupçonné de soutenir financièrement les milices Wagner, qui ont opéré notamment dans le conflit libyen. L'Union européenne l'a d'ailleurs sanctionné pour ça en 2020 en gelant ses avoirs et en lui interdisant son territoire. 

Depuis quelques années, Evgueni Prigojine est aussi devenu l'ennemi personnel d'Alexei Navalny, l'opposant russe à qui il réclame plus d'un million de dollars pour avoir affirmé dans une enquête que son groupe Concord servait de la nourriture avariée dans les écoles. Il y a deux ans, le milliardaire avait même annoncé avoir envoyé de l'argent à l'hôpital de la Charité de Berlin pour payer les soins d’Alexei Navalny pour qu’il "guérisse et lui donne son argent". L'hôpital avait évidemment refusé.

On comprend mieux pourquoi les réseaux de Navalny se sont chargés, avant-hier, de diffuser cette vidéo de Prigojine qui établit plus clairement que jamais son lien avec les milices Wagner.

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