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Ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU : Qui est Stéphane Dujarric, le français qui parle tous les jours au monde entier ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Stéphane Dujarric porte-parole du secrétaire général de l’ONU, le 29 septembre 2020. (LUIZ RAMPELOTTO/EUROPANEWSWIRE / EUROPANEWSWIRE)

Depuis 8 ans, qu’il est porte-parole du secrétaire général de l’ONU, c’est un peu assemblée générale permanente : 365 jours par an, son "noon briefing", la conférence de presse de midi, est suivie dans les 193 pays membres. Par la presse, mais aussi par les diplomates, sur le terrain comme dans les étages de l'ONU. Le contraste est d'ailleurs assez étrange, parce que devant son pupitre, en revanche, c’est quasi "familial", avec toujours les mêmes journalistes accrédités.

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Tous se connaissent. En visionnant les vidéos disponibles en ligne, on aperçoit Stéphane Dujarric distribuant la parole. "Did you have another question, Mister Abani ?" et dans la foulée "Go Go ! Cehlia, vas-y", entre deux réponses sur des sujets sensibles lorsqu’il explique par exemple, en avril dernier, que "l’ONU s’efforce de faire taire les armes en Ukraine, à minima pour permettre l’action humanitaire". Évidemment, un midi d’Assemblée générale comme mardi 20 septembre, le "noon briefing" est d’avantage suivi. Mais dans le fond, cela ne change pas grand-chose.

À l'ONU "tout est affaire de nuances" 

De manière générale, chaque fois que Stéphane Dujarric ouvre la bouche, il prend le risque de voir l’une des 193 délégations de l’ONU lui tomber sur le dos. Il l’a raconté à l’ancien correspondant de RFI à l’ONU, Karim Lebhour qui en avait fait la bande dessinée Une saison à l’ONU."Ce qu’il me disait à chaque fois, note Karim Lebhour citant une discussion avec Stéphane Dujarric, c'est que "si on parle du Tibet, ce sont  les Chinois qui viennent hurler dans mon bureau. Si ce n’est pas le Tibet, c’est l’Ukraine, le Cachemire, le Haut-Karababagh. Tu n’imagines pas le nombre de diplomates qui viennent se plaindre de nos déclarations. Travailler à l’ONU, c’est comme marcher sur un champ de mines. Tout est affaire de nuances, il faut peser chaque mot. Et il me raconte qu’il était avec Kofi Annan une fois à Jérusalem, après un attentat. Kofi Annan avait fait un communiqué en disant que les Palestiniens et les Israéliens devaient faire plus d’efforts pour la paix. Et ça a déclenché une tempête diplomatique. Les Israéliens nous ont accusés d’établir une équivalence morale avec les terroristes. Notre émissaire au Proche-Orient était furieux, il ne pouvait plus aller nulle part. "       

Toute sa scolarité aux États-Unis

Stéphane Dujarric est un français très américain, né à Paris mais qui a pratiquement toujours vécu aux Etats-Unis. Sa maman, écrivaine et prix Goncourt en 1996, Anka Muhlstein, l'emmène à New York, lorsqu’elle se remarie avec le romancier américain Louis Begley. Il fait donc toute sa scolarité là-bas, jusqu'à l'université de Georgetown à Washington, en Affaires étrangères. Des origines aristocratiques complètent le profil : il s’appelle en réalité Stéphane Dujarric de la Rivière, avec des Rothschild dans les générations précédentes. Beaucoup de relations donc, mais pas forcément de diplomates !  Et c’est comme journaliste, après neuf ans à ABC, qu'il se fait repérer et embaucher à l'ONU en 2000. Jusqu'à ce qu'en 2005, Kofi Annan en fasse son porte-parole pendant un an et demi. Une période délicate pendant laquelle il gère notamment le scandale "pétrole contre nourriture". En prenant la succession au Secrétariat général, le coréen Ban Ki Moon se passe de ses services dans un premier temps. Stéphane Dujarric s'occupe alors notamment de la communication du PNUD (le programme des Nations Unies pour le Développement) mais on revient le chercher en 2014, our la fin du mandat de Ban Ki Moon. Et dans la foulée, auprès d'Antonio Guterres. Dans ce monde de diplomate, la personnalité du porte-parole a son importance. Preuve qu’il peut y avoir un peu de place pour la fantaisie. Il n’y  qu'à regarder son compte Twitter,  notamment sa photo : il se frotte les yeux, façon de souligner avec pas mal d'humour, que c'est quand même un casse-tête.

Un ancien correspondant à l'ONU a eu cette expression : "À côté des colins froids sans mayonnaise, lui, c'était plutôt la fête !" Il est plus chaleureux, il vient à vélo, après avoir déposé ses enfants à l'école. Il plaisante sur ses retards permanents et surgit parfois avec une cravate à fleurs prise sur son porte manteau qui en compte une vingtaine à l’entrée de son bureau. Cela n’empêche pas les éléments de langage, et parfois pas mal de tension dans cette salle de presse. Il y a un an, une journaliste française l'a pris de cours : "J'apprends que l'ONU depuis des décennies, à la demande des Chinois, a donné des noms de dissidents à Pékin... » « C'est absolument faux", a-t-il répondu, furieux. Quelques jours plus tard, même question : mais réponse plus nuancée : ça a été vrai, mais ça n'est plus le cas. Certains y voient la dureté particulière d'Antonio Gutteres, l'actuel Secrétaire général, qui mettrait beaucoup de pression sur ses troupes et leur laisserait peu de liberté de parole. En tout cas, Stéphane Dujarric tient depuis huit ans. En soi, c'est déjà un exploit !  

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