Qui est Aurélien Rousseau, le discret directeur de cabinet d'Elisabeth Borne qui quitte Matignon pour la Caisse des dépôts ?
C’est un homme de l’ombre, l’un des plus puissants à la tête de l’Etat, qui s’en va. Matignon a confirmé mercredi 7 juin à franceinfo qu'Aurélien Rousseau, le directeur de cabinet de la Première ministre, quittera son poste début juillet. Il voulait déjà partir au printemps, cela avait été refusé. On était en pleine réforme des retraites. L’hôtel Matignon, il le qualifie depuis longtemps de "terminus des emmerdes". Il faut dire qu'il s'y connaît, pour avoir été déjà directeur adjoint du cabinet de Manuel Valls à partir de 2015 – il était arrivé un mois avant l’attentat du Bataclan. Ce qui ne l'avait pas empêché de poursuivre avec Bernard Cazeneuve.
Aurélien Rousseau a un parcours très particulier, on pourrait même parler d’intrus parmi tous ces hauts fonctionnaires, qui plus est en Macronie. Le conseiller d’Etat a en effet commencé prof d’histoire-géo en Seine-Saint-Denis. Il aura 47 ans dans trois semaines. Cévenol d’origine, il naît à Alès, avec l’accent chantant, dans une famille faite de résistants et de diverses nuances de gauche : la grand-mère élue communiste, la mère fan de Michel Rocard. Lui-même prend sa carte au PC lorsqu’il est prof. Il fait la campagne des municipales à Paris, au point d’intégrer le cabinet d’un adjoint communiste, Pierre Mansat. Partout où il passe, il a cette rondeur qui facilite le lien. Il écrit et monte des pièces de théâtre. A la mairie de Paris, il croise la route d’un homme qui change tout, le directeur de cabinet du maire Bertrand Delanoë : Nicolas Revel, qui le convainc de tenter le concours de l’ENA. Et ça marche ! Il sort parmi les premiers de la promo 2007-2009. La même que Clément Beaune, l’actuel ministre des Transports, et que Florian Philippot.
La modestie de celui qui connaît aussi sa valeur
C'est aussi un homme qui a traversé des périodes très dures en termes de santé. Un syndrome de Guillain-Barré qu’il évoque dans le livre qu'il a sorti l'été dernier, La Blessure et le Rebond. C’était il y a plus de quinze ans, il raconte des mois de réanimation, le handicap aussi – il n'est pas complètement remis. Livre dans lequel il évoque aussi la dépression faite à la fin de la crise Covid qu'il a passée, pendant dix-huit mois, à la tête de l'Agence régionale de Santé d’Ile-de-France. Dix-huit mois à gérer le manque de masques, de vaccins, de lits d’hôpitaux. Pas de quoi toutefois le dissuader de "remonter sur le cheval" à Matignon l’été dernier. Mais avec une sorte d'humilité qu'il évoquait en septembre 2022, dans l’émission C à vous sur France 5, à l’occasion de la promotion de son livre. Il venait de s’installer à Matignon. Et pour lui, la leçon du Covid, c'est la nécessité de dire qu'on ne sait pas. Même si "c'est très difficile".
Profil bas donc. Même si derrière cette modestie, Aurélien Rousseau est aussi quelqu’un qui connaît exactement sa valeur. Il sait en particulier que gérer ce Covid avec Emmanuel Macron à l’Elysée ou par le passé de grandes grèves à la RATP lorsqu’Elisabeth Borne en était présidente, tout cela le rendait légitime pour décrocher le poste de directeur de cabinet.
Après un an à Matignon, étant plus rond et moins directif que ses prédécesseurs, il est humainement très apprécié. Dans certains ministères, des voix diront parfois que Matignon n’est pas tenu. Avec Elisabeth Borne elle-même, tout a bien commencé, l’un et l’autre sont très complémentaires. Le dircab a toujours salué le fait qu'"elle n'avait pas d'a priori idéologique". Jusqu’à un certain point toutefois. Cet hiver, quand elle a accepté de "questionner" l’aide médicale d’Etat en vue de la future loi immigration : pour lui, c’était "hors de question". Elle répondait : "Voyons d'abord ce que ça représente avant de trancher".
Plus social et à gauche qu'elle, Aurélien Rousseau est celui qui aura tenté de maintenir le lien avec les syndicats, notamment la CFDT sur les retraites. Peut-être écrira-t-il un jour, dans un prochain livre, les raisons réelles de ce départ au bout d’un an.
La prochaine étape pour lui ? Directeur général adjoint de la Caisse des dépôts, en charge des politiques sociales – le média en ligne Contexte a eu confirmation du poste exact. Il est aussi conseiller municipal de Saint-Hilaire-de-Brethmas près d’Alès. Et à la ville, père de trois enfants dont un bébé avec sa nouvelle épouse, Marguerite Cazeneuve, l’ancienne conseillère sociale de l’Elysée et de Matignon, aujourd’hui numéro deux de l’assurance-maladie. Nul doute qu’il retrouvera un peu de temps aussi pour retourner à la pêche à la truite dans ses Cévennes natales.
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