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Qui est Ding Liren, le premier chinois sacré champion du monde d'échecs ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo - Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le grand maître chinois Ding Liren participe à la première partie d'un match de 14 parties pour déterminer qui sera le nouveau 17e champion du monde d'échecs à Astana, le 9 avril 2023. (AFP)

La Chine a battu la Russie aux échecs. Dans le contexte international actuel, cela ne passe pas inaperçu. Les puristes auront beau dire que Ding Liren a été sacré au Kazakhstan, après une série de péripéties de qualifications et l'équivalent des tirs aux buts – une dernière série de matchs rapides - le fait est qu'il bat le russe Ian Nepomniachtchi et décroche le premier titre mondial pour un chinois en compétition mixte. Il faut toutefois tout de suite préciser que les chinoises, elles, sont au sommet depuis longtemps dans les compétitions entre filles. Depuis 1990, elles sont six à avoir décroché le titre mondial dont l'actuelle : Ju Wenjun. Et cela a son importance dans le parcours du jeune Ding.

Le nouveau champion du monde a 30 ans. Il est donc né en 1992 d'un père ingénieur et d'une mère infirmière. Et le hasard veut qu'il soit né à Wenzhou (au sud-Est de la Chine) qui accueille, trois ans après sa naissance, un match entre la première chinoise championne du monde, Wie Jun et un joueur star de l’époque soviétique, Viktor Kortchnoï. Match évènement qui fait de la ville de Wenzhou "la ville des échecs". À 4 ans, le Ding est fasciné. Ses parents l’inscrive dans le club qui a, sans le savoir en son sein, la future championne du monde en 2001 Zhu Chen. Il a d’ailleurs le même entraineur. À 5 ans, il est intégré au centre d’entrainement de la réserve nationale d'échecs de Wenzhou. Deux fois de suite il finit premier ex aequo du championnat du monde, des moins de 10 ans, puis des moins de 12 ans. Il sera finalement deuxième au départage – les petites matchs pour les départager.

Ding sera ensuite le plus jeune Champion de Chine à 17 ans, en 2009. Mais pas forcément le meilleur sur la scène internationale. Le grand maître français, Maxime Vachier-Lagrave qui est aujourd’hui 14ème mondiale et qui a deux ans de plus, garde un souvenir assez précis de leur premier rencontre à l’époque en 2009, lors d'un tournoi en France. "Je l'ai emporté mais on sentait déjà l'étoffe d'un très bon joueur", se souvient-il. "Il lui manquait certaines techniques de jeu puisqu'il s'entrainait uniquement avec des joueurs chinois", explique le Français. "Il y a un camp d'entraînement à Pékin, et ils s'entraînent uniquement entre eux pour ne pas faire fuiter le secret, j'imagine que c'est ça." Depuis "beaucoup de différences ont été gommées depuis que les ordinateurs sont devenus si puissants et que la connaissance est si accessible". "Mais en tout cas c'est un choix respectable qui porte ses fruits aujourd'hui."

Force de caractère

S'il n'est pas le plus précoce sur la scène internationale, il est en tout cas l'un des meilleurs en Chine. En 2018, à 26 ans, il est le premier Chinois autorisé à disputer ce qu’on appelle le "Tournoi des candidats" qui permet au vainqueur d’aller challenger le champion du monde en titre. Il est alors cinquième mondial. Le Covid viendra mettre un gros coup de frein dans tout ça, avec des problèmes de visa qui vont le priver de compétitions internationales pendant presque 18 mois mais qui n’atteindront pas son caractère très fort. En précisant ce trait de caracrètre, Maxime Vachier-Lagrave s’est souvenu de cette anecdote assez éloquente. C’était lors d’un tournoi en Norvège, il y a quelques années. "Pendant la journée de repos, il a fait une balade à vélo et il a chuté, raconte Maxime Vachier-Lagrave, On avait une activité prévue par les organisateurs dans l'après-midi et il y est allé malgré la douleur". "À un moment, les organisateurs ont vu qu'il ne pouvait quasiment pas tenir debout, poursuit-il, donc ils l'ont emmené à l'hôpital. Et en fait il avait une fracture de la hanche". "Il n'a évidemment pas pu continuer le tournoi mais il a serré les dents face à une douleur", estime le joueur français admiratif. 

"Derrière son humilité et sa gentillesse, il a été forgé pour gagner et pour montrer sa force bouillante à l'intérieur."

Maxime Vachier-Lagrave, grand maître d'échecs français

à franceinfo

 

Ding Liren va devoir faire ses preuves et défendre ce titre acquis dans des circonstances particulières. Le champion du monde sortant, Magnus Carlsen (cinq couronnes mondiales) avait en effet renoncé à défendre sa couronne mais reste considéré comme le meilleur. En plus, Ding Liren a été invité au dernier moment au tournoi qualificatif parce qu’un Russe, lui a été sorti pour des raisons liées à la guerre en Ukraine. Il finit deuxième – ce qui normalement le prive de championnat du monde mais comme Carlsen ne vient pas, il est autorisé à tenter le titre et affronter le 1er. Et au bout de 14 parties, à égalité avec Nepomniachtchi, les deux hommes disputent les quatre parties rapides… Et Ding gagne la dernière… avec les noirs !

Ce qui est sûr c’est qu’il faut désormais compter avec de nouvelles nations, les chinois mais aussi les indiens, les ouzbekes en plus de Carlsen, des américains et des deux français toujours bien placés pour aller le challenger, Alireza Firouzja, quatrième joueur mondial à 19 ans et Maxime Vachier-Lagrave.

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