Toussaint : qui est Thierry Le Roi, guide au cimetière du Père Lachaise ?
L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
La tradition amène souvent du monde devant les tombes pour la Toussaint. Un événement qui n'a rien de drôle, sauf pour ce guide de cimetières : Thierry Le Roi, 62 ans, en connait plus de 200 dans le monde, ceux de Paris comme sa poche. Depuis 25 ans, il organise ses "safaris nécropolitains" avec son petit air de Fernandel, sa gouaille très érudite et son humour un peu noir.
À Nantes, gamin dans les années 60-70, Thierry Le Roi traverse le cimetière de la Miséricorde pour des visites imposées chez sa grand-tante. Ça l’ennuie, sauf pour le sirop qui l’attend là-bas au retour. Bac pro en proche, il débarque à Paris en 1981. Le hasard le loge à coté du Père Lachaise. Quelques années plus tard, il voyage en Égypte, avec un guide qui propose à ses clients de se mettre en ronde, les yeux fermés, dans une crypte, et il raconte des histoires. À son retour à Paris, il fonce voir le pionnier du tourisme funéraire : un certain Vincent de Langlade.
Des visites à thèmes à trois millions de visiteurs
Le Père Lachaise, c’est trois millions de visiteurs par an mais, à l’époque, c’est désert. Alors il se lance dans des recherches tous azimuts, il commence des visites à thèmes : les Belges, les poètes, les princes... Il se cale sur les dates. Aujourd'hui, il a terminé par le monument aux morts, inauguré le 1er novembre 1899, dans l’allée principale, à deux pas de Félix Faure. C'est un monument d’Albert Bartholomé qui a fait scandale, parce qu’il y avait des nus.
Thierry Le Roi reste vigilant face à certaines demandes un peu particulières des visiteurs – pour éviter que ce lieu de recueillement ne devienne une foire. "J'ai une famille qui m'a demandé si leurs enfants pouvaient venir déguisés pour Halloween, raconte le guide. Les gens ne se rendent pas compte que c'est toujours un cimetière en activité. Bien sûr, c'est un lieu de vie... On fait la fête de la Musique mais je demande l'autorisation au conservateur."
"J'ai la trouille de la mort"
Il a l'œil pour dénicher les petits changements de ce lieu qui vit : les 4 000 arbres du Père Lachaise, les noms de la famille de Proust redorés pour ses 100 ans, les patates déposées sur le rebord de la tombe de Parmentier – celui du hachis ! – ou des crayons pour Tignous. Un jour, il remarque une petite pyramide et, surprise, voit en sortir un homme, plusieurs week-ends de suite. Il finit par se préenter : l’homme est pharmacien, célibataire et s’est mis en tête de préparer sa sépulture en peignant à l’intérieur des fresques à la façon des pharaons. Cinq ans de travail que Thierry Le Roi a filmé et montre en vidéo à ses clients.
"Et moi, si je vous dis que je ne veux pas reposer au Père Lachaise, vous êtes déçus ?, balance le guide, hilare. Je n'y pense pas trop. J'ai la trouille de la mort et, le problème, c'est qu'on ne peut plus acheter de son vivant. Mon kif, ce serait de montrer ma tombe parce que, une fois que je suis dedans, il n'y a plus trop d'intérêt !" Avant d'ajouter : "Si je passe l'éternité au Père Lachaise, je souhaite que l'on écrive comme CV 'Passeur de mémoire' et, sur la dalle, que l'on grave le plan du cimetière avec un point indiquant : 'Vous êtes ici'."
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