La vie de Nelly (1/6) : Les retrouvailles, une expo et des larmes

Benjamin Illy vous raconte "la vie de Nelly", 73 ans, retraitée modeste à Saint-Denis et fan absolue de Johnny Hallyday. Mais Nelly est bien plus que cela. À travers elle, c’est un bout de France qui se dessine, avec des rires, des larmes, du rock'n'roll et Laura Smet.
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
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Nelly, à l'exposition dédiée à Johnny Hallyday à Paris. (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO)

C’est le printemps. Nous avons rendez-vous devant le parc des expositions Porte de Versailles à Paris. Je l’attends sous la grande pancarte qui annonce l’exposition hommage à Johnny Hallyday. Quand je retrouve Nelly, elle me tombe dans les bras, me claque la bise et me parle de sa tendinite. Elle me tutoie, je la vouvoie, essayant vainement de rester à ma place de journaliste. Peine perdue. "Depuis le temps qu’on se connaît, on a le droit de se faire la bise !" Nelly a parlé. Je m’incline.

Avant ces retrouvailles, la dernière fois que j’avais tendu le micro à Nelly, c'était pour le cinquième anniversaire de la mort de Johnny. Il y avait encore des larmes pour son idole et le désir profond d’aller à Saint-Barthélemy pour se recueillir sur sa tombe, et enfin faire son deuil. Elle m’avait montré une tirelire dans laquelle, symboliquement, elle glissait quelques pièces et billets en espérant financer un jour ce voyage d’une vie, sans trop y croire.

Car rappelons-le, Nelly, 73 ans, qui vit à Saint-Denis, touche entre 800 et 900 euros de retraite. En sept ans de reportage, elle m’a souvent répété cette phrase : "Petit boulot, petite paye, petite retraite !". Nelly a travaillé à l’usine, mais principalement dans la restauration, en cuisine. "À l’époque, c'était courant, on était obligé d’accepter d’être déclaré à mi-temps et le reste payé de la main à la main", d’où la petite retraite. Alors Nelly veut faire passer un message : "C’est un conseil que je donne aux générations suivantes, pensez à votre retraite, faites pas les cons."

Une dédicace de Johnny en tatouage

Nelly me rappelle en ce premier jour de tournage comment elle a découvert Johnny, le jour de ses 50 ans, au Parc des Princes, grâce à des amis bikers. Ils l'ont emmenée sur la pelouse alors que le chanteur traversait la foule tel un boxeur. Un moment mythique pour elle : "J’ai cru mourir, se souvient Nelly, les gens lui arrachaient les cheveux". Et puis le concert démarre, elle reste "bouchée bée". C’est le début de son histoire avec Johnny Hallyday. Elle a désormais un tatouage sur l'épaule, décalque d’une dédicace du rockeur, et le jour de ses obsèques, très sérieusement, elle veut que la chanson Allumez le feu soit diffusée quand elle partira en crémation.

Nelly, immergée dans l'exposition dédiée à Johnny Hallyday. (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO)

Il est temps de filer à l’exposition, Nelly a la larme facile dès qu’on parle du "taulier", alors elle a apporté trois paquets de mouchoirs. Elle s’accroche à mon bras, et nous poussons la porte. Partout autour de nous, il y a des projections, une immersion dans un concert de Johnny. Nelly est bouleversée. Surtout quand résonne la voix du rockeur.

"On ne verra plus jamais ça".

Nelly

à franceinfo

La visite se poursuit. Difficile de tenir Nelly qui va fureter dans tous les coins. Elle marque une pause devant une pochette de disque et admire comme une midinette les beaux yeux bleus de Johnny.

Je lui demande si Johnny est sa part d’insouciance : "Insouciante ? Non ! Quand on fait du bénévolat, on ne peut plus être insouciant." Nelly a été bénévole aux Restos du cœur pendant sept ans. Car au début de sa retraite, elle-même a tapé à la porte de l’association. Bénéficiaire, avant de devenir bénévole. "On m’a tendu la main, on m’a aidée, j’ai voulu aider les gens comme on m’a aidée."

La musique de Johnny comme échappatoire

Mais la fatigue est venue, "trop de misère à Saint-Denis", pas assez de moyens pour faire face, pas assez de nourriture à donner à ceux qui en ont besoin. "Quand tu vois passer trois matinées par semaine entre 300 et 400 personnes, moralement et physiquement, ce n'est plus possible." Nelly est partie des Restos du cœur "avant de faire le fameux burn-out". Pour se réconforter, pendant cette période compliquée, le soir, elle enlevait "son manteau de misère", et bien sûr, elle écoutait un petit Johnny.

Nous quittons l’exposition, Nelly pleure une dernière fois et demande un deuxième tour gratuit. Avant de monter dans le tramway, direction Saint-Denis, je lui promets que la prochaine fois, on parlera un peu moins de Johnny et un peu plus de sa vie. C’est raté. Laura Smet, la fille de Johnny Hallyday, m’a appelé. Elle veut rencontrer Nelly.

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