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David Cage : "Je suis devenu fan de David Bowie en travaillant avec lui"

En 1999, David Bowie prêtait ses traits à l'un des personnages du jeu vidéo français : "The Nomad Soul". Il va d'ailleurs en signer la bande originale. Histoire d'une rencontre improbable avec l'auteur du jeu : David Cage.
Article rédigé par Jean Zeid
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
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A la fin des années 90, le studio Quantic Dream, spécialisé dans la création de jeux vidéo, vient de naître à Paris. A sa tête un auteur : David Cage. Pour le premier jeu de la société, il rêve de travailler avec le grand David Bowie. Ce jeu, c’est "The Nomad Soul". Le chanteur signera non seulement la bande originale mais il sera également présent à l'écran. Rencontre avec David Cage.

Quelle a été votre première réaction à l’annonce de sa mort ?

David Cage : Evidemment, j’ai été très attristé par cette annonce, comme tout le monde je crois. Je savais qu'il était malade depuis quelques mois et comme tout son entourage, j'espérais que les choses allaient s'arranger. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. C'est la disparition d'un immense artiste un créateur absolument fantastique. Et puis, pour avoir eu la chance de travailler avec lui, c'était quelqu'un de bien  humainement. Ce n'est pas toujours le cas des grands artistes et des grands génies. Il avait un charisme et une intelligence hors norme.

Toujours à la fin des années 90, votre studio Quantic Dream vient de voir le jour. Pour votre premier jeu, "The Nomad Soul", vous rêvez de travailler avec David Bowie. Comment avez-vous réussi à le convaincre ?

D.G : A l'époque, on travaillait avec un éditeur anglais et on cherchait la collaboration musicale d'un artiste talentueux et en haut de la liste, il y avait David Bowie. Mais personne n'y croyait vraiment, nous n'étions personne. Mais en fait, on a réussi à communiquer avec lui et on lui a proposé le projet. On a alors organisé une rencontre à Londres pour lui montrer le projet, l'histoire, les premières images. Il était venu avec son fils, Duncan Jones, qui est devenu réalisateur. Bowie nous l'a présenté comme son spécialiste en jeux vidéo. La rencontre devait durer vingt minutes. Elle a duré deux heures et demi. A la fin, il nous a signifié son accord et il nous a demandé ce qu'on attendait de lui.

A ce moment-là, il n'était pas encore question qu'il signe toute la bande originale ni même qu'il apparaisse dans le jeu.

D.G : Absolument. Quand on l'a contacté, on n'imaginait absolument pas avoir une telle collaboration. Très honnêtement, mon ambition la plus folle, c'était d'avoir l'autorisation d'utiliser "Heroes". On lui a d'ailleurs posé la question lors de cette réunion. Il a refusé en proposant simplement de signer un album pour le jeu. On s'est pincé pour y croire. Et puis, de fil en aiguille, on lui a proposé deux rôles dans l'aventure : un qui avait son âge et l'autre plus jeune, un Bowie à l'âge de 20 ans pour jouer des concerts dans le jeu.

Plus de 15 ans après, savez-vous pourquoi il s'est investi à ce point ?

D.G. : Je pense que c'était quelque chose qu'il n'avait jamais fait. Et j'ai senti chez lui une véritable curiosité, une envie d'explorer d'autres territoires. Ce qui résume bien sa carrière ceci dit. Il était curieux de ce média. Quand le jeu sort en 1999, c'était assez nouveau. On utilisait en plus de la motion capture, cette technologie de capture de mouvements très commune aujourd'hui. On a filmé et capturé ses performances scéniques, on a travaillait avec son chorégraphe également pour recréer des concerts virtuels dans le jeu.

Comment était David Bowie dans "le travail" ?

D.G : C'est quelqu'un qui a été d'une extrême gentillesse, d'une extrême humilité. Et quel professionnalisme. Il a été irréprochable. On lui a donné douze mois pour composer les musiques et douze mois après, on recevait un coup de fil pour nous signifier la livraison. Evidemment, quand on travaille avec un artiste de cette envergure, on a un peu peur sur les délais… Il s'est mis à la disposition du projet. Il ne voulait d'ailleurs pas que l'on change une ligne du jeu pour lui. Il voulait collaborer à une vision, un projet. C'était ce genre d'artiste. Dans le même temps, son apport a été incroyable. Je pensais à une musique électronique, un peu clinique, froide, à l'image de l'univers du jeu. A l'inverse il a composé une musique mélodique, un contre-pied qui raconte autre chose.

Vous étiez déjà fan de David Bowie ?

D.G. : Pour être honnête, non. Je suis honoré d'avoir pu collaborer avec lui sur "The Nomad Soul". Je ne l'oublierais jamais. Mais je n'étais pas un fan hardcore, je connaissais ses titres les plus connus. En travaillant avec lui, j'ai découvert le génie Bowie. Je suis devenu fan de lui en travaillant avec lui. C'était quelqu'un d'extraordinaire, il avait une aura comme j'en avais jamais vu avant et comme j'en ai jamais vu depuis. Quand il rentrait dans une pièce, il attirait les regards.

 

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