Cultiver du riz rendrait plus sociable que cultiver du blé...

Oui, cultiver du riz rendrait plus collectifs, explique Hervé Poirier, mais aussi plus tolérants, plus loyaux, bref, plus sociaux que cultiver du blé. C’est la démonstration éclatante de la "théorie du riz".
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
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Exploiter du blé rend analytique, universaliste et individualiste. Alors qu’exploiter du riz rend holistique, népotique et collectif. Autrement dit, oui, l’agriculture précède la culture, selon la "théorie du riz" d'un psychologue américain. (Ilustration) (WIRATGASEM / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous dit aujourd'hui que c’est le blé qui a façonné les modes de pensée occidentaux et le riz qui a façonné les modes de pensée orientaux.

franceinfo : Difficile à croire cette théorie du riz et du blé. Expliquez-nous… 

Hervé Poirier : Tout part d’un constat simple : cultiver du riz oblige à la coopération, en particulier pour gérer l’eau qui circule entre les rizières. Alors que cultiver du blé (ou du maïs), non. Il y a une dizaine d’années, un psychologue américain, Thomas Talhelm, a théorisé que la prédominance du blé en Europe,  a poussé à l’individualisme et celle du riz en Asie de l’Est au collectivisme.

Le blé aurait aussi favorisé l’universalisme (en traitant tous les autres sur un pied d’égalité), et le riz le népotisme (en favorisant les proches). Le blé aurait enfin généré une réflexion analytique (en rangeant les objets dans des catégories), et le riz un mode de pensée holistique (en privilégiant les relations, chaque chose faisant partie d’un tout). Vaste et audacieuse théorie !

Mais pas facile à démontrer, n'est-ce pas ? 

Non. Ces différences culturelles avérées peuvent être liées à la religion, au système économique, voire à la génétique ou au climat. Mais l’étude que vient de publier Thomas Talhelm est très convaincante. Il s’est penché sur deux fermes de la province du Ningxia, dans le nord de la Chine, créées à 50 kilomètres l'une de l'autre, lors de la Révolution culturelle, l'une exploitant du riz, l'autre du blé.

Un cas d’école : les environnements naturels, culturels, politiques et économiques sont les mêmes. Les agriculteurs ont été assignés dans les deux fermes de façon totalement aléatoire. Or les cultivateurs de blé s’avèrent aujourd’hui proches du mode de pensée occidental…

Comment cela a été démontré ?

Par le test du cercle, consistant à se représenter avec son réseau d’amis. Le cercle représentant sa propre personne est systématiquement plus gros dans la ferme à blé, que dans la ferme à riz – un test sur les Britanniques et les Japonais a montré la même tendance.

Il y a aussi le test du favoritisme : dans des jeux, les inconnus sont défavorisés par rapport aux amis dans la ferme à riz, et pas dans la ferme à blé – le même schéma qu’entre Américains et Singapouriens. Et il y a le test de l’image du lapin : dans la ferme à blé, elle est plus souvent associée à l’image d’un chat (les deux étant des animaux) que dans la ferme à riz, qui la relie principalement à l’image d’une carotte (privilégiant la relation entre les choses plutôt que leur catégorie).

La démonstration est éclatante : exploiter du blé rend analytique, universaliste et individualiste. Alors qu’exploiter du riz rend holistique, népotique et collectif. Autrement dit, oui, l’agriculture précède la culture ! 

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