Enterrer des arbres pour sauver le climat

Ce serait une drôle de technique de géoingénierie qui consisterait à enterrer des arbres (morts, bien sûr), pour séquestrer le carbone. Quelques projets en cours, s'inscrivent dans le grand bric-à-brac de la géoingénierie.
Article rédigé par franceinfo - Vincent Nouyrigat
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
L’idée de l’enterrement des arbres morts est venue aux chercheurs, en découvrant dans un sol de la province du Québec, à deux mètres de profondeur, le tronc d’un cèdre rouge vieux de plus de 3700 ans. (Illustration) (ETHAN WELTY / CAVAN IMAGES RF / GETTY IMAGES)

Vincent Nouyrigat, rédacteur en chef du magazine Epsiloon nous parle aujourd'hui d'une proposition singulière de scientifiques qui proposent une nouvelle méthode de séquestration du CO2. Une découverte d’un arbre enterré dans l’argile il y a environ 3 800 ans, que les auteurs ont analysé, montre qu’il s’est très peu dégradé au cours de cette période.

franceinfo : Cette nouvelle méthode pour piéger le CO2 semble un peu étrange : il s’agirait vraiment d’enterrer les arbres morts ? 

Vincent Nouyrigat : C’est vrai que l’idée peut sembler un peu farfelue, mais elle est ardemment défendue par de très sérieux chercheurs de l’université du MarylandOn parle beaucoup de la reforestation, des forêts à l’air libre. C’est très bien de capter du CO2, encore faut-il pouvoir le stocker longtemps.

Le problème, c’est que les nombreux arbres morts, mais aussi troncs et branches issus du débroussaillage ou de l’activité forestière, se décomposent au fil du temps : les insectes, champignons et autres micro-organismes dévorent le bois, et libèrent du carbone dans l’atmosphère. C’est justement ce que veulent éviter ces chercheurs.  

L’idée de l’enterrement leur est venue en découvrant dans un sol de la province du Québec, à deux mètres de profondeur, le tronc d’un cèdre rouge. Un cèdre dont les analyses ont montré qu’il était enfoui à cet endroit, depuis plus de 3700 ans ! Et le plus étonnant c’est que cet arbre est presque intact : Il n’a perdu que très peu de carbone, à peine 5%, parce qu’il était plongé dans un sol argileux très compact bloquant l’arrivée d’oxygène et donc sa décomposition.  

Il suffirait donc d’imiter, de reproduire ce phénomène naturel ?    

Exactement, ce serait aussi simple que ça : creuser une fosse – ou alors exploiter une mine ou une carrière abandonnée près d’une forêt – y déverser des cargaisons de bois, et recouvrir le tout avec de l’argile, pour au moins un millénaire. Pas besoin de machines spéciales ou de techniques sophistiquées.  

Ces chercheurs estiment que cette solution pourrait séquestrer jusqu’à 10 milliards de tonnes de CO2 par an, soit environ le quart de nos émissions actuelles ; le tout à moindre coût, disent-ils (de l’ordre de 30 dollars par tonne). Une poignée de startups ont déjà commencé leur levée de fonds, des premières petites expériences ont lieu en Amérique du Nord.

Une solution donc à mettre en place au plus vite ?  

Il faut vraiment rester très prudent face à ce genre de promesses. Le concept est rudimentaire, malin, mais on attend de voir les résultats de vraies expériences, et l’étude d’éventuels effets indésirables ; retirer des arbres morts pourrait sans doute perturber les cycles naturels des forêts.  

Plus généralement, cette solution s’inscrit dans un grand bric-à-brac de propositions de géoingénierie avancées en ce moment. Tout cela ressemble un peu à du bricolage aux effets incertains : certains veulent recongeler les calottes glaciaires, d’autres créer d’énormes plantations de macro-algues au milieu des océans, ou encore disperser du basalte concassé dans les champs.

C’est rassurant, les humains ne manquent pas de créativité pour tenter d’extraire en urgence le CO2 de l’atmosphère.
Mais tous les climatologues sont formels : cette formidable inventivité devrait plutôt être mise au service de notre sobriété.  

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