La paternité change le cerveau des hommes
Bouleversement hormonal, réorganisation des neurones, quand un homme va devenir père. C’est ce que montre une science balbutiante : la cognition de la paternité.
Le billet science du weekend avec Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine Epsiloon, est consacré à deux études tout à fait inédites sur les transformations du cerveau des hommes quand ils vont devenir pères.
franceinfo : Vous nous expliquez que la paternité change le cerveau des hommes ?
Hervé Poirier : C’est connu pour les femmes. Le big bang hormonal provoqué par la grossesse provoque, dans les premiers mois après l’accouchement, une vaste réorganisation des neurones : le cerveau maternel s’adapte à l’arrivée du bébé. Mais qu’en est-il pour les hommes ? La science, jusque-là, n’avait pas vraiment creusé la question.
Deux premières études viennent pourtant de le suggérer : il se passe aussi quelque chose ! Dans la première étude, 73 futurs pères ont fourni des échantillons de salive quatre semaines avant l’accouchement, puis cinq semaines après la naissance de leur enfant. Et les chercheurs ont constaté des variations des taux de production de plusieurs hormones qui agissent sur la capacité d’attention, la sensibilité… De quoi préparer le père à s’occuper de l’enfant.
La seconde étude est encore plus frappante. Elle a scruté durant plusieurs mois la structure du cerveau d’une quarantaine de futurs et jeunes pères. Les chercheurs ont observé une réduction de certains réseaux neuronaux du cortex cérébral. Le cerveau élimine les connexions neuronales inutiles, en renforce d’autres, impliquées dans l’empathie, la vision et la vigilance. Le cerveau devient plus plastique, un phénomène assez proche de celui qui préside pendant l’enfance et l’adolescence.
Cette souplesse cérébrale des jeunes pères les rendrait plus empathiques, mais aussi plus vigilants et donc plus aptes à protéger le nouveau-né.
Mais qu’est-ce qui déclenche ces transformations dans le cerveau des jeunes pères ?
La propension des hommes à comprendre les besoins de leur enfant, à repérer des signaux de danger dans son environnement est probablement un phénomène adaptatif qui a été sélectionné au fil de l’évolution. Est-ce provoqué par le fait de s’occuper au quotidien de l'enfant ? Est-ce par les contacts physiques ? Ou est-ce simplement le fait d’être là ? Les chercheurs l’ignorent.
La science de la paternité en est à ses premiers balbutiements. Mais le temps passé avec les nourrissons semble l’ingrédient clé dans la construction du cerveau paternel. On ne naît pas père, on le devient. Et, dans le cerveau, c’est une métamorphose.
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