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Le petit peuple des neiges fascine les chercheurs

Les chercheurs découvrent, émerveillés, une vie microscopique inattendue : tout un écosystème qui vit dans la neige.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Paysage aux algues près de Leknes, île de Vestvagoy. Les îles Lofoten, dans le nord de la Norvège, en hiver. Des champignons, des bactéries, des virus, et surtout, des algues vivent dans la neige. (Illustration) (REDA&CO / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, s'intéresse aujourd'hui à la découverte de tout un écosystème, caché dans la neige. Des algues, mais aussi des champignons, des bactéries adaptés à la neige, et à la glace.

franceinfo : Cette découverte est à la fois merveilleuse et tragique. Expliquez-nous… 

Hervé Poirier : C’est merveilleux, oui. Les biologistes ont longtemps jugé les glaciers stériles, une sorte d’immense congélateur. Mais non. Grâce aux techniques de séquençage génomique, de détection de l’ADN environnemental et de microscopie à très haute résolution, ils commencent à pouvoir explorer ce milieu. Et découvrent tout un peuple qui vit dans la neige – le pouvoir de conquête de la vie est décidément sans limite.

Des champignons, des bactéries, des virus, et surtout, des algues. C’est inattendu. Même si ces algues avaient été, en fait, repérées depuis longtemps, car elles sont responsables d’un phénomène bien connu des montagnards : le "sang des glaciers". 

Le sang des glaciers ?  

Aristote en parlait déjà, il y a 2500 ans. Il l’avait probablement observé sur le mont Olympe : à certains moments de l’année, à certains endroits, la neige se teinte en rouge écarlate. Il imaginait des larves velues. D’autres envisagèrent un champignon. Mais depuis le début du XIXe siècle, on sait que ce sont des efflorescences d’algues microscopiques. Sauf qu’elles sont très difficiles à étudier. 

Ce n’est qu’en 2019, que les botanistes ont pu identifier l’algue dominante des glaciers alpins : la sanguina. Et ce n’est qu’aujourd’hui, qu’ils découvrent comment son architecture et son métabolisme sont parfaitement adaptés à la vie dans la neige. 

Une quinzaine d’autres algues ont depuis été identifiées – les travaux sont en cours. Leurs interactions avec les autres micro-organismes découverts sont à l’étude. Qui mange qui ? Qui coopère avec qui ? Qui est en concurrence avec qui ? Bref, les chercheurs découvrent, émerveillés, tout un nouvel écosystème. 

Et pourquoi c’est tragique ? 

Parce qu’à peine découvert, ce "peuple des neiges" est condamné à disparaître. Avec la hausse des températures, les glaciers s’amenuisent – sachant qu’ils se réchauffent encore plus vite que le reste de la planète. Mais le plus tragique, c’est qu’en assombrissant la neige, les algues modifient sa capacité à renvoyer l’énergie solaire, et elle fond encore plus vite. C’est un cercle vicieux. 

Les chercheurs, partis cet été au Groenland, sont revenus effrayés : ils ont vu des étendues de neiges noires – ce n’est pas l’espèce sanguina qui domine là-bas. Ce qui va accélérer encore plus le réchauffement. 

Certaines algues, adaptées aussi à d’autres milieux, vont s’en sortir. D’autres, comme sanguina, sont condamnées. Et le sang des glaciers qu’elles font couler, va ne faire qu’accélérer ce tragique destin. 

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