Les abeilles savent très bien repousser les éléphants
Vincent Nouyrigat, rédacteur en chef du magazine Epsiloon, évoque aujourd'hui les recherches de scientifiques qui, au Kenya, viennent de prouver l’efficacité des abeilles pour repousser les éléphants qui menacent les cultures…
franceinfo : C'est donc la promesse d'une cohabitation saine avec la faune sauvage ?
Vincent Nouyrigat : Oui, les populations locales et les scientifiques savent depuis longtemps que ces pachydermes ont une peur innée des piqûres d’abeilles ; cela peut paraître étonnant, vu leur taille immense et leur peau épaisse, mais les éléphants craignent vraiment de se faire attaquer dans des zones sensibles, comme leurs yeux, leur bouche, leur trompe très délicate.
Des études avaient montré, il y a plus d’une décennie, que de simples bourdonnements pouvaient les effrayer ; ils secouent la tête, poussent des cris d’alerte, puis partent. Alors, quelques expérimentations ont été tentées en Afrique et en Asie, afin de protéger des champs, dont les cultures attirent ces mégas herbivores de plus de trois tonnes, qui piétinent tout sur leur passage.
L’idée étant de disposer des ruches tous les 10 mètres environ, pour former une sorte de barrière de protection. Une idée ingénieuse. Encore fallait-il étudier sérieusement l’efficacité du dispositif sur le long terme.
Et les résultats sont prometteurs ?
Tout à fait ! Des chercheurs de l’université d’Oxford ont donc mené l’enquête au Kenya, autour du parc national de Tsavo, qui abrite environ 15.000 éléphants : ils ont suivi, pendant six saisons, 23 petites exploitations agricoles cultivant maïs, haricots, pastèques et citrouilles, très alléchants pour ces mastodontes. Et ils ont constaté qu’au moment des récoltes, période très critique, les abeilles parviennent à bloquer jusqu’à 86% des intrusions d’éléphants.
Bon, cette solution n’est pas infaillible : les années de sécheresse, les abeilles sont beaucoup moins nombreuses et vaillantes, donc, elles sont peu dissuasives. Mais cette stratégie douce promet au moins de régler une partie des conflits qui nous opposent aux éléphants, dont les habitats se réduisent à grande vitesse alors que la population humaine, elle, ne cesse de s’étendre.
Le nombre d’habitants au Kenya a augmenté de 60% en 20 ans. Des conflits qui se règlent souvent à coups de carabines ; la chasse à l’éléphant a, par exemple, été relancée au Botswana.
Et justement la science peut trouver des solutions moins brutales ?
C’est ça : plutôt que de tirer sur des éléphants, des loups, des renards, des ours, des jaguars, plusieurs équipes de scientifiques tentent actuellement de jouer sur les comportements naturels de ces animaux. Jouer sur leurs peurs, leur psychologie, pour tenter de les éloigner des activités humaines.
Certains imaginent utiliser leur crainte atavique des maladies, des parasites, en diffusant des bruits ou des odeurs caractéristiques d’animaux malades, pour qu’ils se tiennent à l’écart de telle ou telle zone. D’autres jouent sur le dégoût, en insérant des produits chimiques, provoquant la nausée, dans des cadavres de bétail pour leur faire croire que cette viande est nocive.
Des expériences sont en cours en Espagne pour dissuader les loups de dévorer les moutons. C’est la promesse d’une cohabitation plus apaisée entre les humains et la faune sauvage, en espérant juste que ces petites manipulations ingénieuses du vivant ne provoquent pas d’autres problèmes.
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