Les enjeux autour de la stratosphère
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine Epsiloon, revient sur des enjeux énormes qui pèsent désormais autour de la stratosphère, enjeux économiques mais aussi environnementaux.
franceinfo : Peut-être faut-il commencer par expliquer ce qu'est la stratosphère ?
Hervé Poirier : Cette couche de l’atmosphère est située entre 12 et 50 km d’altitude, au-dessus des avions de ligne qui plafonnent à 10 km, et en-dessous des satellites qui tournent au-delà des 100 km. Ce territoire, jusqu’ici, n’était officiellement sillonné que par quelques ballons envoyés par des agences météo ou spatiales, et par les fusées qui le traversent. Mais dans quelques jours, à Montréal, un congrès de l’Organisation de l’aviation civile internationale va se pencher sur la gestion du trafic stratosphérique.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que l’assaut se prépare ! Airbus, par exemple, a lancé au début de l’année une filiale qui doit commercialiser les services de ses drones. Thales peaufine un immense dirigeable de 130 mètres de longueur. Fin juin, au salon du Bourget, la société suisse Destinus a présenté un avion, avec 30 personnes à bord, filant à plus de 30 km d'altitude. Un peu partout dans le monde, des start-up et des industriels affûtent leurs concepts pour voler dans la stratosphère.
Quel est l’intérêt ?
D’abord observer la Terre. Les engins stratosphériques sont beaucoup plus précis que les satellites, et peuvent rester fixes au-dessus d’un lieu, contrairement aux satellites qui ne font que passer. Par exemple, un ballon placé au-dessus du Portugal peut y détecter en temps réel le départ d’un feu de forêt. Intérêt aussi pour l’espionnage : on se souvient des ballons stratosphériques chinois abattus par l’armée américaine en mars dernier. En matière de communication, cela promet davantage de débit et un meilleur signal que les constellations de satellites.
Et le tourisme ?
Oui, la start-up française Zephalto espère emmener l’année prochaine ses premiers clients en ballon pour contempler la rotondité de la Terre et son halo bleuté. Par ailleurs, les avions supersoniques pourraient voler dans la stratosphère à Mach 2, Mach 5, voire Mach 9, mettant ainsi Paris à une heure de Tokyo pour une dizaine de passagers fortunés. Cela fait rêver, mais cette frénésie de projets inquiète les experts du climat.
Pourquoi ? Quels sont les risques ?
L’émission de vapeur d’eau, d’oxydes d’azote et autres particules qui peuvent dégrader chimiquement la couche d’ozone - notre précieux bouclier contre les UV - avec en prime un fort effet de serre. Le comité scientifique de l’Organisation météorologique mondiale s’en est officiellement ému en début d’année. Mais les technologies sont prêtes. Périls majeurs, promesses fabuleuses, créativité débordante, flou juridique : l’humanité se prépare à une nouvelle ruée, pour le meilleur et pour le pire…
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