Les secrets d’une bonne histoire
Le secret des meilleures histoires : Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine Epsiloon décrypte les résultats d'une étude sur le sujet.
franceinfo : Quel est le secret d’une bonne histoire ? Qu’est-ce qui fait un bon film, un bon roman ? Un chercheur canadien a étudié la question scientifiquement ?
Mathilde Fontez : Oui, il s’agit d’une équipe de l’université de Toronto, menée par Samsun Knight, spécialiste de l’apprentissage automatique – il écrit lui-même des romans à ses heures perdues, d’où son intérêt pour cette question vieille comme le monde : qu’est-ce qui fait une bonne histoire ? Ce qui fait une bonne histoire, ce sont les rebondissements, les retournements de situations.
Un exemple : Roméo et Juliette, qui tombent amoureux, puis se rendent compte que leur amour est interdit par leurs familles. Autre exemple, autre style : Iron Man 2, le méchant est sur le point de faire exploser des drones et de tuer Pepper, mais Iron Man arrive juste à temps. Ces renversements brusques dans la trajectoire affective de l’histoire, qui propulsent les personnages du positif au négatif, ou l’inverse, c’est ça la clé, pour accrocher le public.
Comment est-il arrivé à cette conclusion ?
C’était son hypothèse de départ : ça paraît évident en un sens. Et il y avait déjà eu des travaux sur la question. Depuis Aristote, qui avait inventé le concept de "péripétie", jusqu’au dramaturge américain Leon Katz, qui décrivait ces renversements comme l’unité de base du récit.
Mais Samsun Knight a voulu tester, prouver. Il a rassemblé une base de données de 30.000 œuvres – films, séries, romans – qu’il a étudiés avec des outils de linguistique, et d’analyse du langage. Puis il a croisé ces données avec différents systèmes de notations, qui témoignent du succès d’une œuvre : les étoiles pour les films dans la base de données IMDb, le nombre de téléchargement, les ventes, etc. Et finalement, il a vu apparaître cette corrélation claire et nette, entre le nombre de rebondissements, et l’impact de l’histoire sur le public.
C’est une recette pour les scénaristes ?
Oui, les chercheurs ont aussi fait quelques observations plus précises, avis à ceux qui voudraient peaufiner leurs récits : les meilleurs dramaturges sont ceux qui parviennent à conserver tout au long de la narration plusieurs intrigues à la fois, et à les faire toutes monter en puissance. Autre découverte : pas besoin de se retenir : le chercheur n’a pas trouvé de maximum dans ses données : plus il y a de rebondissements, plus ça marche, c’est sans limite.
Voilà la recette d’une bonne histoire, même si bien sûr, cette étude n’épuise pas la question. C’est une tendance, un grand schéma. On aime à penser que les chefs-d’œuvre gardent un peu de mystère.
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