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Nous sommes prêts à tout pour échapper à l'ennui

Les scientifiques se sont souvent penchés sur l'aversion à l'effort. Ils viennent de mener les mêmes recherches autour de l'ennui. Les résultats sont édifiants.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des chercheurs canadiens ont démontré une aversion à l'ennui : plutôt accomplir un effort que ne rien faire... (MICHÈLE CONSTANTINI / MAXPPP)

Une équipe de chercheurs canadiens vient de publier les résultats de leur travaux sur l'ennui. Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine Epsiloon, les décrypte pour nous.

franceinfo : Sommes-nous prêts à tout pour échapper à l'ennui ?

Mathilde Fontez : A tout, semble-t-il, en effet. Les expériences des chercheurs en psychologie sont édifiantes : nous sommes prêts à regarder des images dégoutantes, à nous auto-administrer des décharges électriques, à donner de l’argent, etc. Pour lutter contre l’ennui, on peut même se mettre à agir de manière sadique : il suffit d’isoler des personnes dans une cabine face à un film très ennuyeux (une cascade qui coule, par exemple) avec à leur disposition un pot d'asticots et un moulin à café ; au bout d’un moment, les participants à l’expérience se mettent à broyer consciencieusement les asticots. Plus généralement, ce que vient de démontrer cette équipe de chercheurs canadiens, c’est que nous sommes prêts à faire de gros efforts pour éviter de nous ennuyer.

Les chercheurs ont donc comparé ennui et efforts ?

Oui, et ils sont les premiers à le faire. Jusque-là, il y avait eu beaucoup de travaux pour essayer de quantifier notre aversion à l’effort mental. C’est une loi, en psychologie : lorsqu’on donne à quelqu’un plusieurs options pour arriver au même résultat, il choisira l’option la moins exigeante. Pas par fainéantise mais afin d’optimiser les ressources de notre cerveau. Cette aversion à l’effort n’avait donc jamais été comparée à l’aversion inverse, celle à l’ennui.

On préfère faire des efforts plutôt que s’ennuyer ?

C'est le cas. Ces chercheurs de l’université de Toronto, ont organisé 13 études différentes, avec plus de 2000 participants. Ils ont proposé différentes tâches à leurs volontaires : faire des calculs plus ou moins difficiles, classer des motifs géométriques ou... rester devant un écran qui affiche « ne rien faire ». Ils en tirent deux conclusions : d’abord, quand on a le choix entre différentes tâches, on préfère choisir celle qui demande le moins d’effort, mais surtout ensuite, lorsqu’on a le choix entre ne rien faire et une tâche, même difficile, on préfère se mettre au travail !

Les résultats ont eu tendance à s’accentuer au fur et à mesure des expériences. Les volontaires cherchaient à faire les exercices de plus en plus difficiles. Signe qu’ils commençaient à se lasser : l’expérience elle-même commençait à les ennuyer. Pour les chercheurs, l’ennui serait en fait un moteur, il agirait comme un signal pour nous pousser vers l’effort, vers une exploration de notre environnement.

Liens utiles (sites en anglais)

https://psycnet.apa.org/record/2023-16592-001

https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fpspi0000335

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