Voici comment les humains ont perdu leur queue ou appendice caudal

C’est arrivé subitement un jour à un premier primate : à sa naissance, il était dépourvu d’appendice caudal. Ce qui a dû lui conférer quelques avantages puisque ce sont ses descendants qui ont engendré tous les grands singes jusqu’à nous. L’origine de cette disparition vient tout juste d’être révélée par une équipe américaine.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
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Temps de lecture : 4min
Gravure de 1884 sur la description d'une colonne vertébrale humaine par le Dr. C. Heintzmann. Publiée à Vienne par Wilhem Braumülller. Nous gardons la trace de cet appendice que possèdent la plupart des autres mammifères. Elle est là chez l’embryon humain, dans les premières semaines, ne se développe pas, et devient le coccyx. (JCROSEMANN / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon nous raconte aujourd'hui une histoire étonnante : comment les humains, ainsi que les autres grands singes, ont perdu leur queue, en bas du dos.

Hervé Poirier : Une équipe de généticiens américains vient de démontrer que c’est arrivé subitement à un primate, un beau jour, il y a quelque 25 millions d’années : alors que ses parents avaient une queue, lui est né sans. Cela a dû lui conférer quelques avantages puisque ce sont ses descendants qui ont engendré tous les grands singes (chimpanzés, orangs-outans, gorilles, humains…). 

Nous gardons d’ailleurs encore la trace de cet appendice que possèdent la plupart des autres mammifères – elle est là chez l’embryon humain, dans les premières semaines, ne se développe pas et devient le coccyx. 

L'os du coccyx, comme une trace de l'appendice caudal que les humains, ainsi que les autres grands singes, ont perdu, en bas du dos. (SHUBHANGI GANESHRAO KENE / GETTY IMAGES / SCIENCE PHOTO LIBRARY RF)

Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’elle disparaisse d’un coup chez ce lointain ancêtre ? 

Les généticiens ont démontré que dans le génome de ce primate, un petit morceau d’ADN est venu s’insérer à côté d’un gène clé, commandant la genèse de la queue chez les mammifères. Seuls les grands singes ont cet intrus. Et il rend ce gène inopérant. Les chercheurs l’ont démontré en insérant artificiellement cette séquence dans le génome d’une souris, à côté du même gène : leur queue, là aussi, disparaît. 

Et cela arrive souvent ce genre d’évolution express ? 

Oui, ces dernières années, de nombreux autres cas ont été repérés. C’est à cause de l’insertion inopinée d’un morceau d’ADN comparable, que le maïs, un jour, s’est tout d’un coup redressé en une tige droite – c’était jusqu’ici une grande herbe folle et touffue. 

C’est aussi à cause d’un saut d’ADN que la rose s’est mise à dégager son parfum envoûtant, ou que le puceron résiste aux insecticides. Ces morceaux d’ADN sauteurs, appelés transposons, ont été découverts il y a 75 ans – dans le maïs justement – mais ils ont longtemps été méprisés, cela faisait partie de "l’ADN poubelle", comme on disait. 

Les généticiens se rendent compte aujourd’hui qu’il y en a partout – 50% de notre génome est constitué de transposons. Les chercheurs réalisent aussi que ces transposons sont capables de sauter d’une espèce à l’autre. Et, surtout, que ces sauts d’ADN peuvent avoir des effets spectaculaires et immédiats. "Leur rôle dans l’évolution est l’une des découvertes majeures de ces dernières années", nous confiait un expert. 

La théorie de l’évolution a imposé à nos imaginaires une lecture gradualiste, les changements de forme des êtres vivants ne pouvant être que le fruit de changements lents et progressifs. Mais non. Avec les transposons, cela peut se faire du jour au lendemain. Et hop, un beau jour, la queue a disparu… 

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