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Des chercheurs créent des mouches capables de se reproduire sans accouplement ni fécondation

Pour la première fois, des femelles modifiées génétiquement – en l’occurrence, des mouches – ont eu des petits sans l’intervention d’un mâle. Cela suscite beaucoup d’espoir et quelques questions aussi.
Article rédigé par Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une mouche commune. (AFP)

Les scientifiques l’appellent "parthénogenèse", ou encore "naissance vierge" : l'ovule devient embryon tout seul ! Certains oiseaux, ou poissons par exemple y parviennent naturellement. Des reptiles comme le dragon de Komodo aussi. C'est arrivé dans certains zoos lorsque une femelle restait trop longtemps seule, sans mâle. Jamais chez le mammifère, qui lui, se reproduit uniquement sexuellement (notamment l'homme évidemment) ! Voilà donc que des chercheurs de l’Université de Cambridge sont parvenus à provoquer ça chez la mouche des fruits qui, pourtant dans la nature, s’accouple pour avoir des petits. C’est une première par manipulation génétique. Une découverte publiée dans la revue scientifique Current Biology grâce à six ans de travail et 220 000 mouches. 

 

Les chercheurs de Cambridge ont identifié trois gènes d’une première mouche (drosophila melanogaster) dans deux variétés, l'une qui qui se reproduit naturellement sans mâle, l'autre avec mâle. Ils ont alors manipulé ce qu’ils pensaient être les gènes équivalents chez la mouche des fruits. Cela a fonctionné ! Attention : tant qu’il y a un mâle, la femelle modifiée garde le réflexe de s’accoupler de façon classique. Mais au bout de 40 jours sans aucun mâle (à peu près la moitié de sa durée de vie), elle peut se débrouiller toute seule. Une sorte de stratégie de survie que mettent au point 1 ou 2% des animaux étudiés, mais c’est considéré comme une percée scientifique absolument sans précédent.

Un espoir pour les espèces menacées

Ces recherches ouvrent en effet un champ de possible dans la recherche sur les traitements de fertilité. On pense à certaines espèces menacées. D’autant que les descendantes peuvent aussi se reproduire sans partenaire. Et puis c'est intéressant à comprendre parce que cette reproduction asexuée serait en train de se développer de façon inquiétante chez certains nuisibles en agriculture avec potentiellement des pertes colossales (cette biologiste évolutionniste Alexis Speling qui a mené ces travaux à Cambridge est d'ailleurs en train de recentrer ses recherches sur les ravageurs). Le principe d'un pesticide étant notamment de perturber l'accouplement des insectes mâles et des femelles : si les femelles se reproduisent toutes seules, le pesticide ne sert plus à rien.

 

Mais comme souvent, ces travaux soulèvent aussi des questions éthiques et écologiques. Le fait d’utiliser des organismes vivants dans la recherche fait toujours débat. Par ailleurs, manipuler ainsi la reproduction amène à créer quasiment des clones, donc une perte de diversité génétique pourtant indispensable à la survie d'une espèce.

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