Le brief éco. En plus de la crise sanitaire, un nouveau choc pétrolier ?
Lundi 20 avril, le prix du baril de brut américain de référence est descendu en-dessous du zéro dollar, jusqu’à moins 38 dollars. Il s’est légèrement repris mardi matin sur le marché asiatique à moins de 2 dollars, donc toujours très faible.
Le pétrole ne vaut plus rien, ou presque, à New York. Peut-on parler d’un nouveau choc pétrolier ? Cette fois, cela tangue sérieusement. C‘est inédit : un baril a moins 38 dollars, c’est-à-dire que les courtiers ont donné de l’argent à ceux qui voulaient bien leur acheter les barils dans un marché saturé. Mesure technique. Le pétrole s’achète par avance pour garantir les prix, et les contrats passés pour livraison en mai se terminent ce mardi. C’est la course à qui se débarrassera au plus vite des excédents.
Situation explosive
Plus que de simples ajustements techniques au niveau des prix, la situation est bien plus compliquée. La crise du Covid-19 a fortement ralenti l’économie mondiale. Un moteur à l’arrêt n’a plus besoin de carburant pour tourner et, de fait, le marché pétrolier devient excédentaire. La loi de l’offre et de la demande prend tous ses droits : pas de demande de pétrole et les prix chutent. Mais ne voir que cet aspect serait oublier la géopolitique.
Forte responsabilité américaine
Nous remarquerons que c’est le pétrole de référence américain qui est ici attaqué. Pas le Brent de la Mer du Nord qui est notre référence en Europe. Le Brent est actuellement au-dessus de 20 dollars le baril. Le fait que les États-Unis soient devenus le premier pays producteur de pétrole devant l’Arabie saoudite ne plaît pas au États-providence du Moyen-Orient (les pétromonarchies) qui vivent de la rente pétrolière. Certains envisagent même une possible attaque concertée de la part d’un cartel, c’est-à-dire des pays qui s’organisent entre eux pour passer l’offensive.
Effets collatéraux
Cette guerre des prix risque de faire des victimes collatérales chez d’autres pays producteurs : le Vénézuela est déjà en faillite mais le Nigéria, l’Algérie, l’Irak pourraient suivre avec leurs cortèges de crises sociales et d’explosions populaires. Donc plus que de simples mesures techniques d’ajustement des prix, nous sommes entrés dans une vraie zone de turbulence dangereuse. Selon l’économiste Jean-Paul Betbeze, pour calmer le jeu, les États-Unis devraient arrêter de produire du pétrole de schiste et devenir importateur de brut. Mais il faudrait pour cela que Donald Trump ravale son orgueil. Ce qui semble un doux rêve, qui plus est en pleine période électorale.
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