Grève au "JDD" : pourquoi la classe politique hésite à dénoncer la reprise en main du journal par l'extrême droite
Il a signé, un peu malgré lui, l'actualité médiatique du week-end : le Journal du Dimanche fait partie des médias récemment rachetés par Vincent Bolloré, l'homme d’affaires breton, qui s’est déjà illustré dans sa volonté de droitiser les médias qu’il détient : CNews, Europe1, Paris Match... Et donc le JDD. Il vient de placer à la tête de l’hebdomadaire : Geoffroy Lejeune, ancien patron du magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles. Une nomination dénoncée par la rédaction du JDD qui s’est mise en grève, empêchant ainsi dimanche 25 juin la parution du journal.
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Et que se passe-t-il quand un puissant journal se retrouve entre les mains d’un directeur de la rédaction qui ne cache pas sa proximité avec Eric Zemmour ou Marion Maréchal ? A l’extrême droite, certains se frottent déjà les mains. Ce week-end, à la Fête de la Violette organisée par Reconquête, Guillaume Peltier a rendu hommage à la nouvelle équipe du JDD, se réjouissant par avance de moins voir la droite en une du journal. Plus cyniquement, une députée RN a écrit ce week-end à des journalistes de la rédaction en grève pour leur dire que, désormais, elle allait acheter plus souvent leur journal.
La Macronie tétanisée
Et comment réagissent les autres partis ? En réalité, c'est surtout la gauche qui réagit : il n’y a aucune réaction notable à droite, et un quasi-silence du côté de la majorité, à part un tweet de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, qui dit "s’alarmer" pour "les valeurs républicaines", mais précise qu’en l’état "Le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi".
En Macronie, publiquement, on fait profil bas. Mais en coulisses, les journalistes reçoivent de nombreux messages de soutiens. C’était la même méthode au moment du changement de direction à Europe 1 : les SMS, des appels... À Paris Match, certains ont eu droit à un coup de fil du Président Macron, mais rien publiquement. Conseillers, ministres, personne n'était bavard, dimanche : la Macronie, si prompte à dénoncer l’extrême droite, est comme tétanisée face à Bolloré.
Une loi dépassée ?
Alors, est-ce que les choses peuvent bouger ? En 2022, le candidat Macron avait promis des "Etats Généraux du droit à l’information". L'Élysée jure que cette promesse n'est pas oubliée. Pourtant, l’idée était d’y parler désinformation, fake news, concentration des médias et refonte des aides à la presse. Certains poussent l’idée que les rédactions puissent valider leur direction. Certains journaux le font déjà. Le problème, c'est que politiquement, l’indépendance des médias n’est portée que par la gauche : il n'y a là aucun gain électoral à en attendre et que des coups à prendre…
En attendant, des médias changent de main et de ligne éditoriale : des journalistes en sont licenciés pour des raisons politiques. La plupart des observateurs jugent que la loi actuelle est totalement dépassée.
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