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Législateurs ou influenceurs ? À l'Assemblée, 97% des propositions de loi ne sont pas votées

Pour faire avancer leurs sujets, les députés ont pris l’habitude de déposer des propositions de loi qui n’ont pas toujours vocation à aboutir. Cette pratique a explosé depuis un an.
Article rédigé par franceinfo, Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le député LFI Louis Boyard (debout) à l'Assemblée nationale le 13 juin 2023 (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Vous souvenez-vous de cette proposition de loi du député RN Julien Odoul pour interdire la vente de galettes des rois en grandes surfaces pendant le mois de janvier ? Ou celle de Nicolas Dupont-Aignan visant à faire reconnaitre le cheval comme animal de compagnie ?

Pourtant, ces propositions de loi (ou PPL) font partie des centaines de textes déposés par des députés chaque année. Ils en ont le droit, c’est même l’une de leurs fonctions mais on note sous la législature actuelle une inflation de ces textes... surprenants, et qui en grande majorité ne mèneront à rien. 

Sur 574 textes, seuls 17 ont été adoptés

Selon les chiffres publiés par l'Assemblée nationale, 574 propositions de lois ont été déposées par des députés lors de la session 2022-2023. C’est quatre fois plus que l’année précédente. Sur ces 574 textes, 70 ont été examinés en séance et seuls 17 ont été adoptés. 97% des propositions de loi n’aboutissent donc pas.

On appelle cela des "textes d’appel". Une fonction plus politique que législative, qu'on retrouve aussi fréquemment sur le dépôt des amendements. Dans une Assemblée où les parlementaires sont très bridés, écrire une proposition de loi permet de faire un coup, d'essayer d’imposer une question dans l’agenda politique. En un mot, c’est tenter, tout simplement, d’exister. "C’est difficile d’être visible au milieu des autres députés", reconnaît une conseillière.  

En réalité, personne n’est dupe. La plupart de ces textes ne sont pas co-signés. Beaucoup ne sont même pas bien écrits, réellement étudiés ou financés, mais ils offrent un quart d'heure de célébrité sur les chaînes info. "La classe politique s’intéresse plus à ses likes sur instagram qu’au fond des sujets", s’agace Tris Acatrinei, fondatrice du Projet Arcadie qui scrute l’actualité parlementaire. 

Le risque démocratique du coup de com' permanent

Cette stratégie ne touche pas que l'opposition. Dans la majorité aussi, il y a des propositions de loi "ballon d’essai". Il y a quelques mois, le député macroniste Sacha Houlié relançait l’idée du droit de vote des étrangers, déclenchant une bronca immédiate, même dans son camp. À l’époque, son entourage en convenait : ce texte n’avait pas vocation à être étudié. C’était pour "cranter le débat".  

Une proposition de loi, c’est donc un outil de communication. Un outil de rapport de force politique jusque dans la majorité. Mais attention : plus il y a de lois qui ne voient pas le jour, plus vous créez un risque démocratique. Risque de déception chez les électeurs qui peuvent croire, de bonne foi, que leur député se bat pour eux, alors que ce n’est que de la com.

Début juin, le député LFI Louis Boyard annonçait sur TikTok une loi contre le blocage du partage des codes Netflix. Succès médiatique immédiat. Hier soir, le député nous a précisé que ce texte n’a pas encore été déposé. Etre législateur semble plus complexe qu’être influenceur…

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