Aviation : les compagnies aériennes face au défi gigantesque de la pénurie de pilotes

Alors que les pilotes manquent déjà à l'appel, les compagnies aériennes prévoient un doublement du trafic dans les vingt prochaines années.
Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un avion sur le point d'atterrir à l'aéroport de Bruxelles (Belgique) en septembre 2023. (JEAN-LUC FLEMAL / MAXPPP)

Y aura-t-il un pilote dans l'avion ? Les compagnies prévoient un doublement du trafic aérien en 20 ans. Il leur faudra donc acheter des avions mais aussi et surtout former des centaines de milliers de pilotes. Un défi gigantesque alors que les compagnies aériennes sont d’ores et déjà confrontées à une pénurie de pilotes.

Selon nos informations, par manque de pilotes formés, "Air France" a plus d'une dizaine d'airbus A 220- tout neufs - qui sont cloués au sol. La compagnie, de son côté,assure que des avions sont indisponibles mais "pour des aléas d'exploitations comme la météo, des pannes ou un besoin d'entretien". Elle précise aussi que "le dispositif de formation des pilotes fonctionne à plein régime en raison de la croissance du trafic notamment sur long-courrier. "

Plus de vols vers l'Asie notamment et des vols plus longs : depuis la guerre en Ukraine, il faut contourner l'espace aérien russe - donc les vols vers le Japon, par exemple, doivent se faire avec quatre pilotes au lieu de trois.

La formation des pilotes prend du temps

A Carcasonne se trouve l'un des centres de l'ENAC (École nationale de l'aviation civile). C'est une école publique - financée à 100% par l'Etat. Chaque année, il y a 2000 candidats pour une vingtaine de places. Les élèves pilotes de ligne ont d'abord 8 à 10 mois de cours théorique puis 18 mois de pratique. Une fois sortis de l'école, il y a encore quelques mois de formations pour piloter les différents appareils et pour devenir commandant de bord : au minium 6 ans.

Joel Laittsélart est chef de centre de l'ENAC à Carcassonne et Montpellier : "L'échelle des âges, notamment en Europe, fait qu'il y a un départ massif à la retraite de pilotes. Ça, c'est une réalité. La deuxième ce sont les effets du Covid. Les compagnies aériennes ont arrêté tous les recrutements et toutes les formations pendant la période Covid. Et c'est maintenant en 2023, qu'on est au creux de la vague de formation et que la demande est en train de repartir." La demande va même exploser dans les années qui viennent, selon les prévisions de Boeing très proches de celles d'Airbus, il devrait y avoir près de 50 000 avions dans le ciel dans 20 ans contre 24 500 aujourd'hui.

L’association du transport aérien international tire la sonnette d'alarme

L'IATA estime qu'il faudra recruter plus d'un demi-million de pilotes dans les 20 ans qui viennent. Avec deux fois plus d'avions en circulation : la formation va devenir primordiale. Guillaume Hue est consultant pour une entreprise spécialisée dans le transport aérien : "Ce n'est pas une catastrophe à l'heure actuelle mais si on ne fait rien, d'ici 5 ou 10 ans, ce pourrait être un facteur dimensionnant qui freine la croissance du transport aérien."La contrainte n'est donc pas technique, ou écologique mais humaine. Sauf que ce développement du transport aérien semble assez peu compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Alors qu'en pensent les pilotes de demain ? Sylvain Mathis et Louis ont 21 ans ils sont élèves à l'ENAC : "C'est sûr que l'aviation est très visée sur ces questions écologiques mais je crois que l'aviation mondiale c'est 3% des émissions de CO2", "Le kérosène on ne le brûle pas pour nous, on le brûle pour transporter des passagers et les avions ont besoin de voler. Ce n’est pas la faute du pilote si les avions consomment du kérosène." "La conscience on l'a, la culpabilité non. Parce qu'il y a tellement d'avancées qui sont faites pour émettre moins de C02." Des avancées technologiques qui pourraient également régler le problème de la pénurie, en diminuant voire en supprimant l'humain dans le cockpit.

Un avion sans pilote 

Airbus est en train de développer un programme baptisé "DragonFly" - déjà en démonstration sur A 350. L'avion peut atterrir et décoller de façon automatisée. Pour Antoine Godier, commandant de bord et porte-parole du SNPL (syndicat national des pilotes de ligne), quand Airbus fait voler un avion tout seul, c'est pour montrer qu'il est largement possible de réduire le nombre de pilotes dans le cockpit : "Les choses vont un peu vite et négligent - pour des raisons économiques et de manque de pilotes - des aspects un peu essentiels de ce sur quoi repose la sécurité aérienne. On pense que c'est assez alarmant."

De son côté, Airbus se défend de vouloir réduire le nombre de pilote mais la technologie existe et la pénurie va s'accentuer. Beaucoup envisagent que d'ici cinq ans, pour un vol moyen-courrier, il n'y ait plus qu'un seul pilote au lieu de deux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.