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"C’était un truc de ouf" : il y a 20 ans, Loft Story révolutionnait la télévision française

Il y a 20 ans, le 26 avril 2001, M6 lançait Loft Story, la toute première émission de téléréalité en France, et battait des records d’audience. Comment la téléréalité a-t-elle évolué depuis ? C’est le choix franceinfo.

Article rédigé par franceinfo, Maureen Suignard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Kenza, Delphine, Loana, Julie et Laure, les cinq candidates de l'émission Loft Story au moment de rentrer dans la maison, en avril 2001 (GIOS / MAXPPP)

Il y a 20 ans, la télévision française connaissait une petite révolution, avec le lancement sur M6 de Loft Story, adapté de l'émission hollandaise Big Brother. "11 célibataires coupés du monde filmés dans un loft de 225 mètres carrés, 24h/24 par 26 caméras et 50 micros. Qui sera le couple idéal ? C’est vous qui décidez", rappelait chaque jour le générique de l'émission.

30% de part d’audience chaque soir pour M6

Pour la première fois, les Français se divertissent grâce à des inconnus à la télévision, confinés avant l’heure dans un studio installé sur un parking de la plaine-Saint-Denis en Île-de-France. Les stars de l'époque s'appellent Kenza, Laure, Jean-Édouard, Steevy ou encore Loana, une gogo danceuse de 23 ans. Ces personnes ont marqué toute une génération de Français, puisque 5 millions de téléspectateurs ont suivi le programme au moment de son lancement. M6, qui est alors une toute petite chaîne, écrase la concurrence au fur et à mesure, avec plus de 30% de part d'audience tous les soirs.

La foule attend les gagnants Loana et Christophe, après la finale de l'émission en juillet 2001 (FREDERIC DUGIT / MAXPPP)

L'émission réunit une génération de pré-ados et, 20 ans après, ils s'en souviennent. "J’avais la zapette dans la main. Dès que ma mère passait la tête, je changeais de chaîne, je faisais semblant de regarder Buffy contre les Vampires, se rappelle l’une des téléspectatrices. C’était un truc de ouf pour moi." Une autre se souvient surtout de l’épisode de "Loana et Jean-Édouard dans la piscine". Après la diffusion de cette scène, le Loft devient un véritable phénomène de société. L’émission a beau être jugée trash, voyeuriste et catégorisée comme de la "télé poubelle", tout le monde en parle. La finale de la première saison rassemble 7 millions de téléspectateurs, soit presque 50% de part d'audience.

Après le Loft , " la téléréalité est devenue un métier"

Le Loft n'est que le précurseur. Viennent ensuite Koh Lanta, la Star Academy, l'Île de la tentation, les Marseillais ou encore Les Anges de la téléréalité. Parfois la recette change un peu, les candidats ne sont pas enfermés. Mais le concept reste le même : celui d'anonymes filmés, puis parfois propulsés au rang de star.

Mais toutes les émissions de téléréalité qui ont suivi ne sont qu'une pâle copie du Loft, estime Steevy Boulay, candidat emblématique de la première saison aux cheveux blonds peroxydés. "Aujourd’hui peut-on vraiment parler de téléréalité ? Ils ont des scenarii, tout est écrit, organisé pour faire le plus de buzz possible. Ce n’est pas de la réalité, ce sont des séries", estime-t-il.

Il y a une vraie différence entre nous les premiers, et ceux d’après. Forcément, ils ont vu les retombées, donc les gens n’étaient pas vraiment sincères.

Steevy Boulay

franceinfo

Le sémiologue François Joste considère également que la téléréalité n’est plus dans le réel. Il explique que les candidats sont devenus des professionnels et que "la téléréalité est devenue un métier". "Les candidats sont rétribués contractuellement, détaille-t-il. Ils font eux-mêmes leur job sans croire forcément qu’ils vont trouver l’âme sœur, comme au début. Le jeu d’acteur et de personnage a pris de plus en plus de place." Et les plus connus, comme Nabilla, peuvent ensuite monnayer leur image notamment sur les réseaux sociaux.

Des sociétés de production accusées de harcèlement

Depuis 20 ans, les critiques sont toujours importantes, notamment contre les sociétés de production. Sitôt le Loft terminé, le problème de la difficulté pour les candidats à gérer l'hypermédiatisation est apparu. Certains sont mêmes victimes de graves dépressions. Des sociétés de production sont aussi accusées de harcèlement et d'encourager la violence et les débordements entre candidats. La semaine dernière Nathanya, qui a participé aux Anges de la téléréalité en 2019, a mis directement en cause une productrice sur le plateau de Touche pas à mon poste.

Quand elle a vu que je ne voulais pas me mettre en couple, la productrice est venue me voir et elle m’a dit : ‘tu as fait un casting de salopes et pourquoi maintenant tu fais la prude ?

Nathanya, ancienne candidate des Anges de la téléréalité

Touche pas à mon poste

"J’étais choquée de ce qu’elle venait de me dire", rapporte-t-elle.  Trois candidates affirment aussi qu'elles ont eu accès à de la drogue sur place. "De la drogue, notamment de la cocaïne est fournie par la production. Les tournages se passent en général dans des pays à l’étranger. Vous vous doutez bien que les candidats ne vont pas prendre le risque de passer les frontières avec de la drogue."

NRJ 12, chaîne sur laquelle est diffusée l'émission affirme "suivre de très près le sujet" et que le producteur reste responsable des tournages. Mais d’après la chaîne, à ce stade, rien ne permet d'accréditer ces accusations. En tout cas la téléréalité prend de plus en plus de place puisque selon le CSA, sur la TNT, elle occupe quatre fois plus de temps d'antenne qu'il y a 10 ans.

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