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Chute des abonnements, réservations de dernière minute, pass sanitaire... Les théâtres peinent toujours à remplir les salles

L’après Covid-19 est malheureusement toujours en haut de l’affiche dans les théâtres français. Après presque 18 mois de fermeture en raison de la crise sanitaire, les salles ont bien du mal à retrouver un public.

Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Théâtre Montparnasse à Paris. (ANNE CHEPEAU / RADIO FRANCE)

La rentrée 2021 n'a pas fait exception. Dans le public comme dans le privé, la fréquentation des théâtres est en baisse malgré la réouverture des salles avec l'assouplissement des mesures sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19. Cette rentrée est qualifiée unanimement de "difficile" par les patrons qui affirment n'avoir jamais connu ça.

Sébastien Azzopardi dirige à Paris deux théâtres privés. Il est aussi comédien et joue depuis la rentrée L’embarras du choix au Théâtre Michel.

"Une semaine avant la première, j'avais peut-être 30 personnes pour une salle de 330 places."

Sébastien Azzopardi, comédien et directeur de théâtres

à franceinfo

"Trente personnes ce n'est rien du tout, c'est un dizième de la salle, explique Sébastien Azzopardi. Et puis, deux jours avant, ça a bougé et finalement, on a démarré avec des très belles salles dès le premier soir. Mais quelques jours avant, il n'y avait personne. Vraiment personne."

Sébastien Azzopardi s’estime chanceux car le spectacle dans lequel il joue s’en sort plutôt bien mais ce n'est pas le cas partout. Dans certains théâtres privés parisiens, seuls 20 % des fauteuils sont occupés. Dans le théâtre public, la tendance est la même, notamment en région avec une fréquentation en recul de 30 à 40 %. Le gros problème, c’est la chute des abonnements, un système qui permet de fidéliser les spectateurs. Les théâtres publics ont perdu près de la moitié de leurs abonnés, c’est donc un manque de trésorerie très important pour eux. "Ça nous fait des sueurs froides, admet Sébastien Azzopardi. C'est très angoissant. On se demande ce qu'il va se passer, comment on va faire et on se dit que les gens ne veulent pas venir."

Déconfinement difficile, effet pass sanitaire

Plusieurs facteurs expliquent cette désaffection. On peut peut-être d'abord parler d'un changement de comportement des spectateurs. Selon Nicolas Dubourg, le président du Syndeac, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, pendant 18 mois les Français ont été contraints de rester chez eux et ont donc pris d’autres habitudes : "Le Covid - en tout cas en cette rentrée - a renfermé un certain nombre de spectateurs chez eux. L'habitude de sortir le soir après le travail a été perdue. Est-ce que c'est une situation transitoire ou est-ce que c'est quelque chose de plus durable qui s'est mis en place ? Les prochaines semaines vont être à surveiller avec beaucoup d'attention."

Il y a aussi un effet pass sanitaire variable selon les villes ou les régions. Dans le secteur public, Martin Palisse dirige le Sirque, le pôle national des arts du cirque de Nexon, une commune située près de Limoges dans une zone rurale où l’effet pass sanitaire n’est pas marginal : "Sur un fichier public de 1 000 personnes qui peuvent se rendre dans notre établissement, que nous connaissons et qui sont rentrées dans notre base de données, on a déjà - à peu près - une centaine de personnes, donc 10 %, qui nous ont signifié d'une manière ou d'une autre - à l'oral ou en nous envoyant un mail - qu'ils ne se soumettraient pas ou qu'ils sont contre le pass sanitaire. D'ailleurs, pour une bonne majorité d'entre eux, ce ne sont pas des gens qui sont contre la vaccination mais ils sont contre le pass sanitaire."

Le pass sanitaire joue également sur la fréquentation des scolaires. Face aux contraintes, certains enseignants préfèrent renoncer à emmener leurs élèves au théâtre. Dans le privé, ce sont les seniors qui font défaut. Une partie d’entre eux n’ont pas retrouvé le chemin des salles, soit parce qu’ils n’ont pas encore regagné les grandes villes et notamment Paris, soit parce qu’ils sont encore inquiets de la situation sanitaire.

"Cette baisse de fréquentation a une répercussion économique sur nos moyens d'acheter des spectacles et de les présenter au public. Un rétrécissement va s'opérer."

Martin Palisse, directeur du pôle national des arts du cirque

à franceinfo

Cette baisse de fréquentation ne sera pas sans conséquence à court et à moyen terme pour les théâtres. La première conséquence est évidemment financière. Les réservations de dernière minute privent les salles de trésorerie alors pour faire rentrer de l’argent, dans le privé, les théâtres cassent les prix, même sur des pièces à succès. À Paris par exemple, au théâtre du Palais Royal, Sébastien Azzopardi programme Edmond de l’auteur star Alexis Michalik, dont le seul nom suffit habituellement à remplir les salles : "On fait des offres sur les débuts de semaines pour essayer d'attirer les gens sur ces séances qui sont un peu faibles. Si on veut sortir le mardi, mercredi, jeudi au dernier moment, là on va trouver de la place alors qu''Edmond', pendant les trois premières années d'exploitation, on ne pouvait pas avoir de place avant trois mois."

"Les artistes et les compagnies vont en pâtir"

Dans le public, la perte de recettes a aussi des conséquences avec des déficits annoncés et une réduction des budgets artistiques. Martin Palisse déplore cette situation : "Ça va m'amener à réduire l'offre de spectacles globalement dans les saisons qui viennent ce qui est très dommage puisque ce sont les artistes et les compagnies qui vont en pâtir. Ces mêmes compagnies qui ont déjà beaucoup souffert pendant cette crise et qui n'ont pas pu travailler."

Une situation qui n'est malheureusement pas propre au théatre. Les cinémas souffrent aussi. Le dernier James Bond a certes fait 160 000 entrées mercredi 6 octobre. C’est le 3e meilleur démarrage depuis le début de la pandémie. Mais c’est aussi l’arbre qui cache la forêt. Globalement, les salles de cinéma enregistrent depuis leur réouverture le 19 mai une baisse de fréquentation de 20 à 30%.

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