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Climat : en Andalousie, même les oliviers souffrent de la soif

Alors que les dirigeants de la planète sont réunis en Egypte pour la COP27, l’Espagne est confrontée à une sécheresse jamais vue depuis un millénaire. Depuis le printemps, les vagues de chaleur s’enchaînent et l’eau manque cruellement.

Article rédigé par Julie Pietri
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un champ d'oliviers à Cuevas del Becerro, au nord-ouest de Malaga en Espagne. (JULIE PIETRI / RADIO FRANCE)

Il ne faut pas imaginer des rangées d’arbres, morts de soif, sur les collines andalouses. Quand ils manquent d’eau, les oliviers, résistants, solides, ne succombent pas, dans les champs qui bordent le village de Cuevas del Becerro, au nord-ouest de Malaga. Mais ils ne produisent presque plus de fruits. "L'olivier fait un peu comme ce que les autres plantes font avec la sécheresse", explique Juan Antonio Garcia, cultivateur, au milieu de sa propriété. "L’olivier arrête de se végétaliser, de créer de nouvelles feuilles. Il paralyse toute son activité pour consommer moins d’eau. Vous voyez ? Il s’enlaidit et ses feuilles sèchent." Les olives qui ont poussé malgré tout, souvent grâce à un arrosage artificiel, sont souvent petites et ridées.

Des olives ridées à cause de la sécheresse. (JULIE PIETRI / RADIO FRANCE)


"La conséquence, c’est que, par exemple, dans ma commune, les pertes vont dépasser 80%, ce qui n’était jamais arrivé avant. Et en Andalousie, on prévoit 50% de pertes"
. Cet homme, qui aimerait que ses enfants et ses petits-enfants travaillent encore l’olive après lui, sait que l’avenir s’annonce difficile.

"Ce qui nous arrive, ce n’est pas un manque de chance. Nous sommes déjà plongés dans le changement climatique"

Juan Antonio Garcia, cultivateur d'olives en Andalousie

à franceinfo

Le cultivateur andalou Juan Antonio Garcia devant ses oliviers, à Cuevas del Becerro, au nord-ouest de Malaga, en Espagne. (JULIE PIETRI / RADIO FRANCE)

Ces bouleversements et la vitesse à laquelle ils se produisent, c’est le sujet d’études d’Enrique Salvo Tierra. Ce chercheur à l’Université de Malaga dirige une toute nouvelle unité, sur le changement climatique : "Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont d'abord les températures maximales pendant les mois d'été, qui cette année ont battu tous les records. Ensuite, les nuits, chaudes, avec des températures qui ne descendent pas en dessous de 25°C. Ça provoque un stress pour les organismes vivants, non seulement pour l'Homo sapiens, mais aussi pour les plantes et les autres animaux". Selon plusieurs études scientifiques, la production d'olives dans le sud de l’Espagne pourrait chuter de 30% d’ici 2100.

La pistache appelée à la rescousse

Depuis plus d’un siècle, pour faire face à l’irrégularité des pluies et pour développer l’agriculture, l’Espagne a investi massivement dans un système de réservoirs d’eau. Ils sont régulièrement à des niveaux très bas, voire complètement à sec en Andalousie. Ils ne sont plus LA solution, explique Luis Babiano, le gérant de l’association espagnole des opérateurs publics d’eau et d’assainissement. "L'Espagne est le troisième pays au monde pour le nombre de réservoirs par habitant. L'économie de l'eau en Espagne est vraiment très mature. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'il ne sera pas vraiment possible de construire davantage de réservoirs."

"Les solutions ne vont pas toujours de pair avec la création d'une offre plus importante, mais plutôt avec une utilisation durable des espaces économiques, sociaux et environnementaux."

Luis Babiano, gérant de l'association espagnole des opérateurs d'eau

à franceinfo

Certains agriculteurs commencent donc à se diversifier et à planter des cultures peu gourmandes en eau, comme la pistache. "Si vous avez le temps, venez voir ces cultures de pistaches", lance Juan Antonio Garcia.

Un pistachier andalou. (JULIE PIETRI / RADIO FRANCE)

À l’écart de ses champs d’oliviers poussent de jeunes pistachiers, pas encore très touffus, de plus de deux mètres de haut. "C’est une plante qui a de l’avenir", estime le cultivateur. "Elle est très rustique et n’a pas besoin d’être arrosée."

"Le problème, c’est que l'arbre doit avoir au moins huit à dix ans pour donner une récolte, deux fois plus que l’olivier. C'est donc une culture qui demande beaucoup de patience, une culture pour les jeunes. Pour mon neveu qui a moins de 30 ans, ce sera rentable."

Juan Antonio Garcia, cultivateur d'olives en Andalousie

à franceinfo

L'Espagne mise donc aujourd'hui sur la pistache, dont la surface agricole a été multipliée par dix en moins de dix ans.

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