Covid-19 : l'utilisation des doses "bonus" dans les flacons de vaccin, pratique tolérée mais pas autorisée
Ces doses supplémentaires que l'on retrouve dans chaque flacon de vaccin contre le Covid-19, ne sont pas prévues dans les notices des fabricants. Ces doses valent de l'or mais leur utilisation n'est pas formellement autorisée.
Dans le contexte de pénurie de vaccins contre le coronavirus Covid-19, les doses "bonus", ces doses supplémentaires que l'on retrouve dans chaque flacon, valent de l'or. Elles ne sont pas prévues dans les notices des fabricants : il s'agit d'un peu de liquide supplémentaire que les industriels mettent dans chaque flacon de vaccin. Soit l'équivalent d'une septième dose dans les flacons Pfizer, une onzième dans les flacons Astrazeneca et Moderna. Cette dose est injectable sans risque : il s'agit du même produit, il y en a seulement un peu plus. Sur le terrain, ce n'est pourtant pas si simple.
"Dans le Moderna, on arrive à récupérer une onzième dose, mais on ne l'utilise pas parce que nous ne sommes pas autorisés à le faire", indique Céline Henry, infirmière au centre de vaccination de Lure, en Haute-Saône.
C'est dommage : sur la journée d'hier, cela représentait cinq doses en plus si on les avait utilisé. Et cela fait donc cinq doses jetées...
Céline Henry, infirmièreà franceinfo
En effet, le fabricant et l'autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence européenne du médicament ne prévoient que dix doses par flacon pour ce vaccin. La onzième est donc hors des clous et théoriquement interdite par les autorités de santé.
Pourtant, dans de nombreux centres, des professionnels assurent qu'ils utilisent et injectent cette dose supplémentaire. C'est le cas du Dr Véronique Bortolotti : dans son centre, on a vacciné avec le vaccin Astrazeneca et utilisé la dose supplémentaire. "Il est arrivé plusieurs fois qu'on injecte une onzième dose à des personnes qui venaient en plus pour se faire vacciner, indique-t-elle. Il nous est arrivé de le faire puisque la quantité était là !"
La pratique est interdite en principe, tolérée en pratique
Et ni la direction ni la pharmacie de l'hôpital ne s'y sont opposées. Si la pratique est courante, utiliser cette dose bonus reste pourtant interdit. Ainsi, en Normandie, l'Agence régionale de santé a rappelé à l'ordre l'hôpital de Bayeux où les professionnels injectaient une septième dose du vaccin Pfizer. Une dose bonus, extraite d'un même flacon grâce à des seringues très performantes. "C'est une opération que les médecins et que les infirmiers ont l'habitude de faire, assure Mélanie Lepoultier, la présidente du Conseil de surveillance de l'hôpital. Pour eux, cela leur a semblé naturel."
Tout cela partait d'un principe d'optimisation des moyens existants : jeter du produit, alors que tant de personnes attendaient pour se faire vacciner, était très difficile pour certains médecins et paramédicaux.
Mélanie Lepoultierà franceinfo
Sur ce point, le discours du ministère de la Santé est ambigu : s'il rappelle qu'il faut respecter les règles, et ne pas utiliser cette dose supplémentaire, dans le même temps, la Direction générale de la santé estime que si les professionnels de santé parviennent à extraire cette dose, il ne faut pas la gâcher et elle doit évidemment être administrée. En somme, le ministère tolère la pratique.
Difficile d'obtenir des réponses des laboratoires ou du ministère
Les laboratoires pourraient-ils attaquer la France ou les professionnels de santé parce qu'ils ne respectent pas les règles prévues par l'autorisation de mise sur les marché ? Là encore, le flou subsiste : impossible d'en savoir davantage. Les labos peuvent-ils et veulent-ils poursuivre la France, demander des sanctions financières ? Nous avons téléphoné une cinquantaine de fois, envoyé nombre de mails : ni les ministères concernés, ni l'Europe, ni les laboratoires n'ont souhaité répondre à cette question, tant le sujet paraît sensible. Une seule certitude : juridiquement, les laboratoires pourraient tenter de s'exonérer de leur responsabilité en cas de problème grave, par exemple si un patient meurt ou tombe gravement malade à cause du vaccin.
Si la France autorise seulement à demi-mot les professionnels de santé à injecter ces doses bonus, c'est surtout parce qu'elle craint des conséquences financières. Car il y a eu un précédent avec le vaccin Pfizer : en janvier, les professionnels de santé se sont d'abord rendus compte que les flacons ne contenaient pas cinq doses chacun, comme l'indiquait la notice, mais six. Aussi, lorsque la pratique a été autorisée officiellement par l'Europe, le laboratoire a décidé de facturer cette sixième dose.
"Je pense qu'in fine, cela n'a pas été une si bonne affaire que cela pour la France, souligne Frédéric Bizard, économiste de la santé. À partir de là, le ministère est extrêmement prudent sur l'utilisation de doses surnuméraires..." Autrement dit, pour éviter que les laboratoires n'alourdissent notre facture. La meilleure stratégie, c'est donc de vacciner avec ces doses supplémentaires, mais de ne pas trop l'ébruiter.
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