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Guerre en Ukraine : ce que les discours de Vladimir Poutine disent de lui

La guerre en Ukraine a commencé il y a tout juste un mois, le 24 février dernier. Vladimir Poutine est apparu plusieurs fois ces dernières semaines pour se justifier ou pour tancer ses interlocuteurs. Des discours parfois fermes, pour ne pas dire brutaux, qui donnent des indications sur son état d’esprit.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Sébastien Soldaïni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président russe Vladimir Poutine au Kremlin, à Moscou, le 10 mars 2022 (MIKHAIL KLIMENTYEV / SPUTNIK)

Vladimir Poutine est dans ses interventions comme ses troupes sont sur le terrain : sur plusieurs fronts. Il s'adresse en premier lieu aux Russes eux-mêmes, lorsqu'il se pose en chef de guerre dès le premier jour. Et puis, il y a cette claque adressée le 16 mars à ses concitoyens qui vivent à l'étranger : "Tout peuple, en particulier le peuple russe, est capable de distinguer les vrais patriotes de la racaille et des traîtres. Le peuple russe peut les recracher comme un moucheron qui a atterri dans leur bouche."

Alors qu'en apparence il n'avait pas donné de signes d'énervement, Vladimir Poutine laisse transparaître une certaine nervosité. Cela s'explique en partie par la situation sur le terrain. Cette saillie correspond précisément au moment où les troupes russes commencent à piétiner en Ukraine. Le ton est brutal. Emprunté au style et au vocabulaire mafieux, à en croire Françoise Thom. Auteure du livre Comprendre le Poutinisme, elle décrit ce que les Russes appellent le "mat". Une forme d'argot parfois violent. "Celui qui n’est pas dans la bande ou bien celui qui s’en détache est forcément un traître, précise l’historienne. En tant que traître, il doit être éliminé. Ceux qui se tournent vers l’Occident en Russie et en Ukraine doivent être liquidés."

"C’est une logique mafieuse, mais c’est aussi la logique stalinienne."

Françoise Thom

à franceinfo

Poutine change aussi face aux chefs d'État. Il y a évidemment la partie visible du bloc de glace qu'est Vladimir Poutine. Et puis il y a sa partie immergée. Celle que seuls voient les diplomates. Des discussions où le président russe avait jusque-là l'habitude de livrer un discours très structuré, à la limite du prévisible.

Antoine Vitkine, réalisateur du documentaire La Vengeance de Poutine, diffusé dimanche 27 mars sur France 5, a eu vent de certains échanges avec des chefs d'État et il évoque un changement dans ses façons de faire : "Il s’est mis à parler longuement alors qu’habituellement il est plutôt concis. Il déploie une vision du monde, un ressentiment… Retournant à l’histoire assez longue de la Russie, expliquant que la Russie a été humiliée. Il dit aussi que tout cela arrive parce que la Russie n’est pas respectée."

Changement de discours, et d'état mental

Tout ceci a progressivement infusé des discussions privées de Vladimir Poutine vers ses interventions à la télé. Personne n'est évidemment dans la tête du président russe mais plusieurs spécialistes s'accordent sur une chose : cela témoigne d'un certain changement d'état mental. Un discours moins structuré. Peut-être parce qu'il s'isole et qu'il est de moins en moins conseillé.

Poutine ne parle qu’aux grande puissances et laisse de côté l’Europe. Sa rhétorique guerrière est rodée, parfois répétitive. Mais Sergeï Guriev, un économiste russe, prof à Sciences Po Paris et ayant fui la Russie en 2013, note une chose : Vladimir Poutine s’adresse toujours aux mêmes dirigeants étrangers. 

"Il ne parle que des Etats-Unis, de la Chine et des Russes. Tous les autres pays ne sont que des marionnettes de Washington."

Sergeï Guriev

à franceinfo

En clair, Vladimir Poutine continue d'écarter l'Union européenne et ses États membres. Il ne les considère pas comme des interlocuteurs de premier plan, au moins pour essayer de les discréditer.

Il y a aussi des éléments de discours qui tendent à disparaître. Le président russe justifiait au départ son invasion par une volonté de "dénazifier l'Ukraine". Il n'en parle plus dans ses échanges avec Emmanuel Macron, par exemple, et il réclame de moins en moins le départ de Volodymyr Zelensky. L'historienne Françoise Thom voit là un glissement vers de possibles négociations : "L’Ukraine abandonne déjà l’idée d’adhérer à l’Otan. C’est déjà ça de pris. Ça lance le processus de négociations mais la Russie se réserve ainsi la possibilité de faire monter les enchères."

"J'ai lâché d'un côté, à vous de me donner des gages", pourra dire en quelque sorte le président russe. Mais là, c'est de la spéculation. Vladimir restera toujours Poutine. Insondable.

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