"Leur patron est un algorithme" : les burn-out se multiplient chez les youtubeurs

De plus en plus de créateurs de contenus sur la plateforme de vidéos en ligne sont submergés par le stress, au point d'être contraints de faire des pauses plus ou moins longues, voire d'arrêter complètement leur activité.
Article rédigé par franceinfo - Brian Nicolas
Radio France
Publié
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Le logo de YouTube, le 9 juin 2023. (DIDEM MENTE / ANADOLU AGENCY / AFP)

Devant la caméra, c'est souvent le sourire qui prime. Pourtant, certains youtubeurs confessent ne plus réussir à exercer leur métier à cause du stress. Le premier nom qui vient en tête, c'est Squeezie, 18 millions d'abonnés. Tout simplement le Français le plus suivi sur YouTube. Il y a un mois, il a expliqué son besoin de faire un break, "une petite pause YouTube de deux, trois mois". Et ce n'est pas le seul à en parler. Ces derniers mois, McFly et Carlito, Vilebrequin ou encore Mastu ont aussi annoncé faire une pause. Léna Situations a, elle, parlé de "problèmes de santé liés au stress".

C'est également ce qui est arrivé à Florian Henn, visage du collectif Mamytwink, connu pour ses vidéos d'exploration de lieux abandonnés. Il a plus de 2 millions d'abonnés aujourd'hui. Au départ, YouTube, était simplement un loisir pour lui, mais il s'est professionnalisé et laissé submerger. "Mon cerveau est dans une telle ébullition créative qu'il ne s'arrête jamais, confie-t-il. Forcément, au bout d'un moment, ça a été trop. Ça s'est matérialisé par des symptômes physiques. J'ai senti que j'allais y laisser ma santé, moi en premier, et même mes associés."

Le stress des statistiques en direct

On a souvent cette image du petit youtubeur tout seul derrière son écran. Mais aujourd'hui, certains ont plusieurs salariés pour les épauler. Mamytwink emploie par exemple un cadreur, un monteur, un graphiste, et même un historien. Il faut donc leur verser un salaire tous les mois. "C'est clair que ça rajoute de la pression, explique Florian Henn. Si tu as une période où tu fais moins de vues, tu touches moins de revenus, tu as de moins bons sponsors. Ça peut ajouter de la pression, mais comme n'importe quelle entreprise et chef d'entreprise."

Florian Henn, créateur de contenus de la chaîne Mamytwink, sur Youtube. (MAMYTWINK)

Les chiffres que Florian regarde tous les jours sur une application de son téléphone sont une autre source de stress : "On a tous les chiffres, les vues, les abonnés, les durées de visionnage, les revenus estimés, énumère-t-il. Quand tu sors une nouvelle vidéo, tu veux voir en temps réel combien de vues elle fait et tu auras, par exemple, le classement par nombre de vues. Et c'est anxiogène parce que sur le moment, si tu vois que ta vidéo n'est pas bien, tu te dis : ce que je fais n'intéresse plus les gens, je ne vais plus exister."

Et toutes ces statistiques dépendent beaucoup d'une seule chose : l'algorithme de la plateforme. C'est même le principal problème des créateurs de contenus. Ce sont des lignes de codes qui décident d'avantager ou non certaines vidéos, et souvent de manière arbitraire, analyse Laurence Allard chercheuse à l'université de Lille qui a étudié le marché de l'influence sur internet : "Leur patron est un algorithme. Une plateforme peut décider de changer ses règles quasiment du jour au lendemain. Ça peut donner lieu à des visibilités moindres et tout un travail qui se trouve finalement empêché d'être vu", explique-t-elle.

"C'est devenu très compétitif. Tout le monde est arrivé en masse."

Marjorie Le Noan

à franceinfo

Cet algorithme est de plus en plus anxiogène à mesure que la concurrence grandit. C'est ce qu'a constaté Marjorie Le Noan : "D'un coup, les marques ont eu beaucoup plus de choix entre les créateurs. Donc petit à petit, il y a moins d'opérations promotionnelles. Ça veut dire que les 3 000 euros que vous avez gagnés il y a quatre mois, vous avez intérêt à bien les rationner parce que vous ne savez absolument pas quand votre prochaine paye va tomber." Marjorie Le Noan a fini par craquer. Elle a lâché YouTube pour se consacrer à Instagram, un réseau social qui, selon elle valorise, plus les contenus amateurs.

"C'est fini de bosser le week-end"

Certains de ces youtubeurs arrêtent complètement, comme Vilebrequin, et d'autres, comme Mcfly et Carlito, ou Squeezie, font une pause. Et quand ils recommencent à publier, le rythme est en général beaucoup moins soutenu. C'est le choix qu'a fait Mamytwink : "On ne fait plus une vidéo par semaine, on va en faire une par mois, raconte Florian Henn. On a mis en place tout un tas de processus et d'astuces pour nous permettre de tenir. On fait le plus possible des heures de bureau, c'est fini de bosser le week-end, quand on rentre chez soi, on ne regarde plus les mails, on ne regarde rien, on se prend des vacances. Parce que pendant longtemps, on ne prenait pas de vacances."

Et ces pauses ne pénalisent pas forcément les youtubeurs. Après l'annonce d'un burn-out, l'empathie prime souvent chez les abonnés. Les vidéos de Florian et Mamytwink font d'ailleurs beaucoup plus de vues qu'avant leur pause.

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