Reportage
Grippe aviaire, Covid, H5N1... Comment les scientifiques travaillent à empêcher les maladies de se transmettre de l’animal à l’homme

Comment éviter que la grippe aviaire ne soit à l'origine de la prochaine pandémie ? Le risque est réel. Pour le Covid par exemple, on n'a toujours pas formellement identifié l'animal qui a joué le rôle d'intermédiaire entre la chauve-souris et l'homme.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le chat domestique est-il un possible transmetteur du virus de la grippe aviaire ? Sceptiques, les chercheurs ont lancé une étude pour le confirmer. Flamby n'est pas ravie de faire partie des cobayes. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

La première façon de se protéger d’une maladie, c'est la vaccination. Et depuis un an en France, tous les canards d'élevage sont vaccinés, comme dans cette exploitation du Gers. Aujourd'hui, c'est la visite mensuelle du vétérinaire. "Le vétérinaire fait des prises de sang et des écouvillons. Tous les mois, tous les lots de canards sont testés pour vérifier qu’il n’y a pas eu de circulation de virus sauvage", explique le Pr Jean-Luc Guérin de l'école nationale vétérinaire de Toulouse, spécialiste de la grippe aviaire. 

Rien à signaler pour les canards vaccinés de Jean-Jacques Cortade, pourtant élevés en plein air et donc au contact d'oiseaux migrateurs sauvages, possiblement porteurs de la grippe aviaire. "Il y a eu beaucoup moins de cas que les autres années donc moins d’abattages et moins de problèmes, constate l’éleveur.

"La vaccination a été pour nous un super plus."

Jean-Jacques Cortade, éleveurs de canards

à franceinfo

La France est la première à avoir rendu la vaccination des canards obligatoire. Elle est scrutée depuis par de nombreux autres pays dans le monde. Il y a quelques jours, la deuxième campagne de vaccination a commencé car, confirme le Pr Jean-Luc Guérin, la vaccination, ça fonctionne. "Depuis un an à l’échelle nationale, on a observé 11 ou 12 foyers, ce qui est excessivement peu par rapport à ce qu’on aurait pu craindre, rapporte-t-il. Ce que l’on sait maintenant des travaux de modélisation qu’on a menés, c’est que, sans la vaccination, nous aurions subi plusieurs centaines de foyers. C’est maintenant une certitude". 

Des canards vaccinés d'un élevage du Gers subissent leur test mensuel pour savoir si le virus de la grippe aviaire circule, le 5 octobre 2024. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

Les 11 foyers infectés en un an sont principalement des élevages de dindes et de poules, des volailles qu'on ne vaccine pas. Un seul concerne des canards vaccinés. Avec les vaccins, les scientifiques ont ainsi réussi à réduire la circulation du virus de la grippe aviaire, et donc à lui donner moins de possibilité de passer d'une espèce à une autre, par exemple, des oiseaux sauvages à nos élevages.

Une étude lancée pour confirmer que le chat n'est pas transmetteur

Mais, si le virus circule moins dans nos élevages, on sait que d'autres animaux peuvent être contaminés par les oiseaux sauvages. Il y a eu, cet été, des cas de bovins infectés aux États-Unis. Dans le monde, on a répertorié aussi des cas de contamination de porcs, de chevaux et des humains, cela arrive. La grippe aviaire, qui circule actuellement, l'influenza H5N1, les humains ne se la transmettent pas entre eux mais dans le futur, cela pourrait tout à fait se produire, explique Pierre Bessière, chercheur à l'école vétérinaire de Toulouse. "Si je prends l’exemple de la grippe humaine, historiquement ce sont des virus qui étaient issus d’oiseaux", explique-t-il.

On soupçonne ainsi la grippe espagnole qui a fait entre 20 et 50 millions de morts il y a cent ans, d'être à l'origine une grippe aviaire. "Ce que ça veut dire c’est, qu’à un moment, il y a un virus influenza aviaire qui est passé chez un mammifère, qui s’est adapté au mammifère et a ainsi acquis la capacité de circuler de manière pérenne", résume Pierre Bessière. 

"Le fait qu’un virus passe d’un oiseau à un mammifère n’est pas quelque chose à prendre à la légère. Il y a de fortes chances que, tôt ou tard, on ait une nouvelle pandémie causée par ces virus."

Pierre Bessière, chercheur à l'école vétérinaire de Toulouse

à franceinfo

L’enjeu est donc d’éviter que les oiseaux transmettent le virus à trop d'espèces car régulièrement, chez son hôte, il mute, il s'adapte, et en mutant trop souvent, il pourrait réussir à se transformer en virus qui se transmette d'homme à homme. On l'a vu avec le Covid-19, santé humaine et santé animale sont interdépendantes. C'est le concept One Health ("santé unique"), sur lequel travaillent désormais de nombreux scientifiques. C’est pourquoi ils étudient les modes de transmission du virus, comment il passe d'une espèce à une autre, entre quelles espèces...

Les scientifiques testent toutes les hypothèses et notamment celle des chats. Flamby, par exemple, est une chatte domestique, potentiellement exposée à la grippe aviaire. Elle se promène de jardin en jardin et rapporte des petits cadeaux, comme des oiseaux morts, raconte sa propriétaire. Elle a accepté que les chercheurs de l'école vétérinaires de Toulouse fassent à Flamby une prise de sang pour savoir si elle a déjà été infectée par le virus de la grippe aviaire. Jusqu'à présent, seuls quelques cas de chats infectés par la grippe aviaire ont été rapportés dans le monde. Est-ce qu'il y a un risque pour les maîtres, pour les propriétaires ? ÀToulouse, les chercheurs pensent que non, que le chat ne peut pas transmettre le virus à l'homme. Ils viennent tout de même de lancer une étude sur des milliers de chats pour en être sûrs et le confirmer. 

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