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Reportage
Logement : enquête au coeur de la jungle des diagnostics de performance énergétique

La note de DPE (diagnostic de performance énergétique) est désormais obligatoire pour louer ou vendre son bien immobilier. Problème : elle n'est pas toujours fiable.
Article rédigé par franceinfo, Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le diagnostic de performance énergétique est désormais un critère de cession ou de location des biens immobiliers. Photo d'illustration (ST?PHANIE PARA / MAXPPP)

Le résultat du DPE est un document obligatoire pour vendre ou louer, et depuis janvier 2023 les logements les plus énergivores son interdits à la location. Le diagnostic de performance énergétique est donc une étape cruciale pour les propriétaires. Françoise, par exemple : elle s'apprêtait à passer une petite annonce sur le site Particulier à Particulier pour trouver un locataire à Paris. La réception du résultat de son DPE lui a fait l'effet d'une douche froide : "Le couperet est tombé : l'appartement est classé G. Pour avoir une meilleure note, il faudrait démolir la salle de bains, le coin cuisine... C'est n'importe quoi. Il faudrait que je baisse le loyer d'à peu près 120 euros, ce qui n'est pas envisageable."

>> Crise énergétique : où se trouvent les passoires thermiques en France ?

Françoise n'est pas seule dans son cas : le DPE fait beaucoup de mécontents, et la réforme du système il y a 18 mois n'a pas changé grand-chose, selon 60 millions de consommateurs, qui a proposé à quatre propriétaires de faire diagnostiquer leur maison par cinq professionnels différents. En théorie, on aurait dû avoir cinq fois le même résultat ; en fait chaque maison a reçu au moins deux notes différentes. Ces évaluations sont pleines d'erreurs, affirme Fanny Guibert, qui a mené cette enquête pour le magazine :

"Par exemple, la surface, détaille-t-elle. On a une maison d'environ 140 mètres carrés, un diagnostiqueur la met à 162 m². Davantage de surface, cela va diviser les émissions et donc favoriser le logement, avec une grosse erreur de lettre DPE à la fin. Il y a d'autres erreurs grossières : le logement était chauffé avec une pompe à chaleur et des radiateurs électriques d'appoint, le diagnostiqueur n'avait pris en compte que les radiateurs électriques. Évidemment, cela a terriblement pénalisé le logement, la pompe à chaleur étant beaucoup plus économe. Dans une autre maison, il y avait un plafond avec 20 cm d'isolant pour un diagnostiqueur, 40 cm pour un autre et deux autres ont mis 'inconnu'..." 

"Les diagnostiqueurs ne font pas bien le boulot, et vous risquez d'avoir un diagnostic faux. C'est une loterie."

Fanny Guibert

à franceinfo

L'enjeu est pourtant de taille : depuis le début de l'année, il est carrément interdit de louer les logements les plus énergivores, classés G+, ceux que l'on désigne parfois par l'expression "passoires thermiques". Dans deux ans, ce seront tous les biens classés G, puis les F, et même les E en 2034. Près de 13 millions d'habitations seront concernées. Déjà depuis six mois, les loyers des logements F et G sont bloqués.

Cette lettre de DPE, de A à G, est par ailleurs devenue opposable, cela veut dire juridiquement contestable. Et les conflits sont nombreux : "Chaque semaine, il y a une personne qui pousse la porte de mon cabinet pour me poser une question à propos de DPE erronés, témoigne Maître Martin Peyronnet, avocat en droit immobilier au barreau de Bordeaux. Par exemple quelqu'un qui a acheté pour mettre en location son bien, qui reçoit une plainte de son locataire l'informant d'une consommation énergétique démesurée par rapport à l'étiquette qu'il pensait avoir. Il se retrouve avec l'obligation de dédommager son locataire et de faire des travaux de rénovation énergétique, pour pouvoir continuer à louer son bien. Les coûts sont assez importants : si on prend l'écart entre une lettre G et une lettre C, on peut parler de 50 000 euros."

Des conséquences sur le marché immobilier

Les propriétaires commencent clairement à se débarrasser de leurs passoires thermiques : on en voit deux fois plus dans les petites annonces qu'en 2020, et s'ils arrivent à se vendre ces biens subissent une décote d'environ 4%. "Le DPE est devenu un vrai critère de choix, au même titre que le balcon ou la pièce en plus pour télétravailler, confirme Thomas Lefebvre du site SeLoger. Il y a encore cinq ans, les gens n'y prêtaient pas grande attention. Aujourd'hui, près de 90% des acheteurs déclarent regarder le DPE avant d'aller visiter un bien."

"Pour certains, un mauvais DPE est un frein à la visite, pour d'autres c'est un levier de négociation."

Thomas Lefebvre

à franceinfo

À partir d'avril 2023, nouvelle contrainte : pour vendre un bien F ou G, il faudra faire un audit énergétique en plus du diagnostic. Il s'agit de préconisations de travaux. Pour ce nouveau document, il en coûtera au vendeur de 500 à 1 500 euros.

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