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Reportage
"On a été pris au dépourvu" : dans les communes rurales, la fonction publique recherche désespérément des secrétaires de mairie
Le gouvernement souhaite réformer la fonction publique. Son ministre, Stanislas Guerini, a questionné, mardi 9 avril, le statut des fonctionnaires en évoquant les licenciements et les suppressions des catégories A, B et C, notamment, de quoi déjà provoquer la colère des syndicats. L'objectif affiché est de rendre la fonction publique, territoriale, hospitalière ou encore de l'État, plus attractive. Le ministre prend comme exemple le métier de secrétaire de mairie, qui peine à attirer alors que d'ici 2030, un tiers de ces agents, en grande majorité des femmes, partiront à la retraite.
Dans le milieu rural, le recrutement est encore plus compliqué qu'en ville et les secrétaires des petites communes endossent souvent de très grandes responsabilités. Comme dans le village de 300 habitants de Cizay-la-Madeleine, dans le département du Maine-et-Loire, à côté de Saumur, où on retrouve Isabelle Beylier à l'accueil de la mairie. Sur son bureau, de nombreux documents se bousculent et certains se retrouvent accrochés au mur pour libérer de la place.
Dans les grandes mairies, il y a plusieurs services par domaine, mais à Cizay, Isabelle s'occupe littéralement de tout. Que ce soit l'urbanisme, les élections, l'état civil, les naissances, les décès, l'école, l'aide sociale ou encore la comptabilité. "On croit qu'une petite mairie, parce qu'il y a moins de 500 habitants, on ne fait pas grand-chose, eh bien c'est le contraire, raconte-t-elle. J'arrive d'une grande mairie et je peux vous dire, qu'une petite mairie, c'est bien plus compliqué."
Isabelle est arrivée en 2023 à la mairie, attendue comme le Messie par la maire de Cizay, Isabelle Grandhomme, qui a dû gérer le départ de la secrétaire de l'époque. "On a été un petit peu pris au dépourvu et on n'avait pas anticipé la difficulté, explique-t-elle. On était parti au départ sur un emploi de 23 heures, puis on est passé à 28 heures, pour avoir un peu plus de candidatures." Elle n'a cependant reçu qu'un seul CV, celui d'Isabelle Beylier, qui travaille dans une autre mairie, pour avoir assez d'heures et un salaire suffisant qui est aujourd'hui de 1 620 euros net par mois.
Une secrétaire pour sept mairies
Beaucoup de ces secrétaires de communes rurales multiplient les contrats. En Meurthe-et-Moselle, l'une d'entre elles jongle entre sept mairies différentes. Les villages ont en effet des budgets contraints et peuvent difficilement embaucher à temps complet. Pourtant les maires le reconnaissent tous, leur secrétaire est leur binôme, les deux forment un tandem. Isabelle Grandhomme, la maire de Cizay, n'imagine même pas une situation où sa secrétaire tomberait malade. "Je n'ai pas de solution, ni de plan B, si Madame Beylier tombe malade", dit-elle.
À quelques kilomètres, dans le village de Brossay, c'est l'ancienne secrétaire, Catherine, aujourd'hui retraitée, qui revient aider la nouvelle, Christelle, à s'y retrouver dans les chiffres et les colonnes du budget. Cette dernière n'étant pas formée et à temps partiel dans la mairie, la tâche du budget peut s'avérer difficile. "Elle m'explique et me forme, mais c'est d'une telle complexité que ça ne suffit pas, raconte Christelle. Quand on ne vient que le mardi et le vendredi, avec le public et ce qu'il y a à côté, c'est très rapide et trop juste."
Quand Christelle ne travaille pas le mercredi, c'est le maire, Gilles Roussilat, qui tient lui-même la permanence. Mais la chaîne de solidarité reste fragile, explique Isabelle Beylier : "Je ne dis pas que je ne suis pas bien à Cizay, mais si c'était à refaire je ne le referais pas".
Certaines secrétaires baissent les bras et surtout, beaucoup partent à la retraite. D'ici 2030, un tiers va s'arrêter et selon le ministère de la Fonction publique, il y a urgence à rendre ce métier plus attractif, avec presque 2 000 communes sans secrétaire aujourd'hui.
Une loi pour revaloriser le métier
À partir de 2028, les maires seront obligés d'embaucher leur secrétaire en catégorie B et non pas en catégorie C, la moins bien payée, comme c'est le cas aujourd'hui pour deux tiers des agentes. Selon le ministère, cela devrait représenter 70 euros brut de plus par mois.
La loi prévoit aussi une formation nationale, qui sera reconnue partout dans le pays, mais comme il y a urgence, les choses bougent au niveau local. Toujours dans le Maine-et-Loire, une nouvelle formation a été lancée en septembre dernier. Elle aboutit à un diplôme universitaire spécifique au métier ultra-polyvalent de secrétaire de mairie en milieu rural.
Dans les Alpes-Maritimes, où 15 communes vont se retrouver sans agente, une toute nouvelle formation préparera dès 2025 à un diplôme national, reconnu par l'État. Au-delà de la question des compétences et du fonctionnement des mairies, l'objectif est de susciter des vocations, puisqu'il en va du service public et de la démocratie au niveau local.
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