"Si j’étais ministre de la Santé, ce serait réglé rapido" : les charlatans surfent sur la peur du Covid-19
Depuis l'apparition du Covid-19, des adeptes de la "médecine alternative" ou de la "médecine complémentaire" ont réorienté et adapté leur discours.
La Miviludes, la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu pendant le confinement 70 signalements d'arnaques et de dérives liées au coronavirus, a appris franceinfo. Il s’agit de personnes que la loi qualifie de "charlatans". Eux, se considèrent plutôt comme des adeptes de la "médecine alternative", "médecine douce", ou "médecine naturelle". Ils utilisent aussi le terme "médecine complémentaire". Et depuis l'apparition du Covid-19, ils ont réorienté et adapté leur discours.
Parmi les promesses, les recettes de guérison, il y a celles de Thierry Casasnovas. Cela fait dix ans que cet autodidacte réalise des vidéos sur Youtube, dans lesquelles il prodigue ses conseils santé. "Le coronavirus, si j’étais ministre de la Santé, ça serait réglé rapido, lance-t-il dans l’une de ses vidéos. Bain froid et jeûne pour tout le monde, une petit peu de jus de carottes et vas-y que je t’envoie."
Le cancer est une "opération marketing"
Bain froid, jeûne et jus de carotte : la recette est la même pour toutes les autres maladies. Car Thierry Casasnovas parle aussi, dans ses vidéos, de cancer par exemple : "Le cancer n’est pas une maladie. Non, le cancer n’est pas un problème. Le cancer est un signal."
La chimiothérapie n’a jamais soigné un cancer. Les chances de survie à cinq ans avec la chimiothérapie sont moindres que sans chimiothérapie.
Thierry Casasnovas
Selon lui, le cancer est une "opération marketing", le virus du sida n'existe pas. Et pour toutes les maladies, il n'y a qu'une solution : "La modification radicale du régime alimentaire, fruits et légumes, majoritairement crus". Thierry Casasnovas est adepte du crudivorisme. Il prône une alimentation tournée vers les jus de légumes ou jus de fruits. La justice enquête sur lui car au détour de ses vidéos, il vend des extracteurs de jus.
"Ce n’est pas un gourou"
Alors, est-il un arnaqueur ? Un gourou ? Il a tout de même plus de 500 000 abonnés sur YouTube dont Coralie, qui a accepté de nous répondre. Elle dit être suffisamment critique pour pouvoir faire le tri dans tout ce qui est dit dans ces vidéos. "Ce n’est pas une personne qui conduit une secte, affirme Coralie. Ce n’est pas un gourou, les gens ne sont pas des adeptes, des groupies, des gens idiots qui n’ont plus de sens critique."
Ça donne de l’espoir à ceux qui sont souvent dans une impasse thérapeutique et là découvrent qu’ils peuvent fonctionner différemment. Ça marche, en tout cas ça ne fera jamais mal.
Coralie
"Ça ne fera jamais de mal" est un argument que l'on entend souvent dans ces vidéos alternatives, dites "vidéos santé".
Un "marché de l'espoir"
Il y a un point commun à tous les signalements orientés "santé" qui remontent à la Miviludes. Celui de jouer sur ce qu'on pourrait appeler "le marché de l'espoir", c'est-à-dire proposer une solution pour soigner une maladie que les chercheurs et les médecins ne savent pas guérir, ou en tout cas pas encore, comme le Covid-19. Et ces derniers mois, c'est parfois parti dans des délires mystiques. "On a vu des situations où ces gourous, ces influenceurs, revenaient sur des thématiques liées à la punition divine avec un regain de courant apocalyptique lié à la pandémie, raconte Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur qui s'exprime au nom de la Miviludes. On parlait beaucoup de l'imminence de la fin des temps. Le discours a profondément évolué du fait du Covid."
Côté solutions proposées, on n'est plus dans le jus de carottes. "Ça peut être par exemple des 'bains de lumière métatronique' avec des soins énergétiques ou d’autres protections pratiquées par téléphone, détaille Camille Chaize. Il s’agit de tout un champ divers qui sont à la fois des arnaques et qui jouent sur la fragilité des gens et sur les dérives sectaires."
Anti-vaccin, anti-5G, anti-système
ll y a un autre point commun à toutes ces médecines dites alternatives. Il se trouve dans le discours. "On parle de pandémie de coronavirus. Hop, virus égal vaccin, lance Thierry Casasnovas dans un autre vidéo. Puis on te parle de : 'Tiens, il y a une ordonnance ministérielle qui facilite le déploiement des antennes de radiotéléphonie'. Tiens, tiens, 4G, 5G... et si on essayait de voir si tout ça n’aurait pas une cohérence ?"
Un même discours parfois mystique, et toujours anti-vaccin, anti-5G, anti-système ou même complotiste. Jean-Jacques Crèvecœur, Christian Tal Schaller, entre autres, sont des voix alternatives dont les noms ne vous parlent peut-être pas mais ils sont très suivis sur les réseaux sociaux. Leur audience sur internet a augmenté ces derniers mois. Le confinement a favorisé l'émergence de tels discours, reconnaît Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur.
C’est vrai que les gens ont tendance à avoir recours à des communautés virtuelles pour rompre leur isolement, et dans ce monde virtuel, il n’y a pas de démenti.
Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieurà franceinfo
Des discours sans détracteur direct : la santé est sortie du champ de compétence exclusif des médecins. Aujourd'hui, parmi les signalements que reçoit la Miviludes, 40% concernent justement des sujets de santé.
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