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Témoignages
Surmenage, agressions, indemnité trop basse : les démissions de maires se multiplient depuis 2020
Mardi s’ouvre le 104e Congrès des maires de France. Au cœur des débats, la multiplication des démissions d’élus depuis 2020.
Dans le Morbihan, il y a 15% d'élus municipaux démissionnaires depuis les dernières élections. Des maires, mais aussi des adjoints et des conseillers. Et la première raison pour laquelle ils jettent l’éponge c’est que, quand ils se présentent, ils n'ont pas conscience de l'investissement nécessaire.
Yvan Kerdavid est devenu en 2020 le 4e adjoint de Plouray, une petite commune de 1 000 habitants dans le Morbihan. Aide-soignant, il passait à la mairie où il était en charge du cadre de vie quand il rentrait de l'hôpital. Mais "j’avais aussi des appels sur mon lieu de travail pour des dossiers à traiter. Des fois, les secrétaires m’appelaient en disant : 'il faut que tu viennes !' Ben non, je ne peux pas. Je suis au travail. Finalement, je n’étais jamais en vacances", déplore-t-il. Avant de ne plus arriver à suivre les dossiers. "J’étais un peu frustré. Il y avait des habitants des fois, qui étaient au courant de sujets avant moi. Cela crée des insomnies".
"Je me réveillais la nuit. Ça m’arrivait même d’écrire la nuit : je dois faire ça, ça ça… J’ai dit stop."
Yvan Kerdavid, aide-soignant et ex-adjoint au maireà franceinfo
Yvan Kerdavid va finalement démissionner en août, pour éviter le surmenage.
Dans le village de Saint-Aignan (Loir-et-Cher), là non plus, l'ancien maire ne comptait pas ses heures. Gilles Cadoret est devenu maire parce qu'il n'y avait personne d'autre. Parfois, après son travail la nuit à l'usine et trois heures de sommeil, il allait à la mairie où forcément, "ça ne se passait pas bien. À la maison, forcément, il y avait toujours une petite tension aussi. Au travail, il y avait des sujets qui m’embêtaient à la mairie et je faisais quelquefois des amalgames entre les deux et ce n’est pas forcément bon".
Mais ce qui a motivé son départ, ce sont surtout les tensions autour d'un projet de passerelle piétonne sur un lac. Une partie des conseillers municipaux s'oppose au projet et le débat s'envenime. Une tribune contre lui paraît dans un journal puis une lettre anonyme, jusqu'à un certain conseil municipal de février. "Mon premier adjoint à l’époque a été d’une violence verbale à mon égard alors que c’était un ami, se souvient-il encore marqué. Il m’a presque agressé physiquement. Je suis rentré chez moi et j’ai dit stop. On n’y va pas non plus, pour une indemnité qui est très petite, juste pour le plaisir de se faire taper sur la figure".
Aujourd'hui, Gilles Cadoret ne referait pas les choses de la même manière. "Dans les petites communes, on se base souvent sur des amis ou des gens qui sont déjà dans les associations pour faire un Conseil. Et le problème, c'est qu’on ne se prépare pas à avoir une fronde derrière qui peut déstabiliser complètement le Conseil. Je pense que c’est l’erreur que j’ai faite et probablement d’autres aussi", analyse-t-il. Dans les petites communes, cette part d'affect entre un maire et son équipe explique que les débats s'enveniment.
Les démissions s'expliquent aussi parfois en raison de la tension avec les administrés. Les élus appellent l'Association des maires de France (AMF) quand ils sont en difficulté. "Moralement c’est compliqué. Il y a des rapports frontaux avec des administrés, des violences, des menaces, relate Hicham Abbad, le directeur de l'AMF du Morbihan. On va jusqu’à aller au domicile de certains élus, jusqu’à les suivre en voiture. On a des situations où les enfants, les familles des élus sont menacées. Ces situations se généralisent. Il ne se passe quasiment pas une semaine sans qu’on ait de remontées".
"Il n’y a plus de barrières. On veut obtenir quelque chose, on va aller pousser la porte de la mairie, s’installer, taper du poing sur la table, physiquement essayer d’impressionner l’élu."
Hicham Abbad, le directeur de l'AMF du Morbihanà franceinfo
Et puis, il y a aussi la raison financière. Un maire d'une petite commune touche 700 euros d'indemnité. Il est donc obligé d'avoir un travail à côté, une situation intenable pour beaucoup. Yves Bleunven, le président de l'AMF dans le Morbihan, veut réformer le statut de l'élu. "Il faut absolument revisiter le statut des élus et améliorer les indemnités, c’est évident, déclare-t-il. La plupart des élus, quand ils arrivent en fin de carrière, et qu’ils s’aperçoivent que le temps qu’ils ont passé au service de leur mandat les pénalise sur leur retraite, ça ne leur fait pas énormément plaisir. Et dans le statut, il y a aussi à traiter le problème de couverture sociale. C’est très mal couvert. Il faut avoir en tête tous ces éléments-là." Il appelle aussi à plus de formation.
La multiplication de démissions chez les élus est un problème national. Le ministère de l'Intérieur indique qu'en deux ans, il a eu connaissance d'a minima 800 démissions de maires en France, pour nombre de raisons différentes. C'est bien plus qu'au début de la précédente mandature, entre 2014 et 2020.
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