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"Aide au retour volontaire": "On repart pour toujours", confient des étrangers qui abandonnent leurs rêves d'exil pour "rentrer au pays"

En 2022, près de 5 000 personnes ont bénéficié du dispositif de "retour volontaire", une aide financière octroyée aux étrangers pour réussir leur réinsertion dans leur pays d'origine.
Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Florence Pouille, responsable de l'aide au retour volontaire à l'OFII Nord-Pas de Calais, présente à Marie son billet d'avion de retour. Aulnoye-Aymeries (Nord), janvier 2023 (AGATHE MAHUET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

En 2022, 4 979 étrangers sont rentrés dans leur pays après avoir bénéficié de "l'aide au retour volontaire" proposée par l'État français, dévoile franceinfo lundi 16 janvier. Ce chiffre est en légère hausse par rapport à 2021 (4 677), mais reste en dessous des niveaux enregistrés avant la crise sanitaire (8 781 en 2019 et 10 678 en 2018), selon les chiffres publiés en 2021 par le ministère de l'Intérieur dans un rapport au Parlement. En 2022, d'après les informations de franceinfo, la Géorgie, l'Albanie et l'Algérie étaient les pays d'origine le plus concernés par ce dispositif. 

>> Près de 5 000 étrangers ont bénéficié de "l'aide au retour volontaire" l'an dernier

Retourner "au pays" après avoir tenté de s'installer en France : pour ces hommes et ces femmes, le dispositif du "retour volontaire" est synonyme d'abandon de leurs rêves d'exil. Ces étrangers candidats au retour sont hébergés dans des centres de préparation au retour (CPAR), il en existe une trentaine répartis sur tout le territoire. Près de 5 000 étrangers ont bénéficié de "l'aide au retour volontaire" l'an dernier

À Aulnoye-Aymeries, près de Maubeuge, dans le Nord, le centre est un ancien site de la SNCF, reconverti en 2018. Une quarantaine de chambres, avec, en ce moment, 72 occupants, dont quelques rares femmes. Marie est l'une d'entre elles. Cette Mauricienne de 43 ans, qui a fixé la photo de sa fille au mur et installé ses affaires pour quelques semaines, se dit soulagée de repartir bientôt vers son pays. Elle était venue chercher en Europe un meilleur salaire, mais a été exploitée par un hôtel polonais : "J'étais vraiment victime de trafic humain. L'agent m'avait vendue à l'hôtel ! J'étais une esclave..." Marie s’échappe, vise l’Angleterre, mais elle est stoppée à la frontière ; aujourd’hui, c’est la France qui l’aide à rentrer chez elle.

Marie dans sa chambre du CPAR d'Aulnoye-Aymeries (Nord), janvier 2023 (AGATHE MAHUET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Pour cela, Florence Pouille, de l’OFII (l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui gère les CPAR) propose à Marie une place dans un avion : "On leur propose de voyager sur des vols sécurisés, et non en étant labellisés 'séjour irrégulier chez nous', bien sûr." Le billet d'avion s'accompagne d'une aide financière : 300 à 1 850 euros par personne, en fonction des pays et des dossiers. C’est du cas par cas, et on n'y prétend qu’une seule fois.

Une aide pour se réinsérer dans le pays d'origine

Il existe également une aide supplémentaire pour ceux qui ont un vrai projet de réinsertion dans leur pays, qui peut aller jusqu’à 10 000 euros. Marie, par exemple, va pouvoir ouvrir son salon d’esthétique, de retour à l’île Maurice. "Dans des pays que l'on fuit pour des motifs économiques, pouvoir revenir avec la possibilité d'ouvrir un business, cela les intéresse énormément", confirme Florence Pouille. Et cela fonctionne : "Ici, ces personnes baissent la tête. Elles sont épuisées par les échecs successifs, les procédures, poursuit-elle. Quand elles sont reparties et qu'elles ont leur business, elles relèvent la tête."

"On n'en fait pas forcément des millionnaires, mais ce n'est pas le but du dispositif ! Le but est qu'elles soient autonomes, qu'elles subviennent à leurs propres besoins."

Florence Pouille (OFII)

à franceinfo

La procédure paraît longue à beaucoup des candidats au départ, parce qu’une fois que leur décision est prise, ils voudraient partir tout de suite. Mais il faut compter au minimum quatre semaines, le temps de faire toutes les démarches.

"On repart pour toujours"

Dans le centre d'Aulnoye-Aymeries, on patiente en comptant les jours. Des Irakiens, quelques Géorgiens et une majorité de Pakistanais cohabitent. Gul, originaire de Peshawar au Pakistan, explique qu’il espérait un avenir meilleur en venant en France. "On peine à imaginer combien le voyage aller a été difficile, confie-t-il, à travers l’Iran, la Turquie..."

Gul, Pakistanais, attend son billet de retour à Peshawar. Aulnoye-Aymeries (Nord), janvier 2023 (AGATHE MAHUET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Tout le monde se réjouit de rentrer enfin chez soi. "On repart pour toujours", confirme Hamid. Sa demande d'asile a été refusée après plusieurs tentatives de traverser la Manche, vers le Royaume-Uni.
C’est là-bas, près de Calais et de Grande-Synthe, que beaucoup d’entre eux ont été informés de l’existence de ce dispositif. Les agents de l’OFII regrettent d’ailleurs que les associations d’aide aux migrants, majoritairement opposées au principe d’un retour, ne diffusent pas davantage l’information. Et c’est aussi pour éloigner ces hommes et ces femmes des passeurs que ce centre de préparation au retour a été installé à Aulnoye-Aymeries, à 200 km du littoral, le plus loin possible de la Manche, et de l’Angleterre. 

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