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Témoignages
Deux mois après les émeutes, la peur "d'une nouvelle étincelle" à Montpellier
Le quartier de La Mosson, classé Zone de sécurité prioritaire, n’a pas été épargné par les huit jours de violences, fin juin-début juillet, qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre. Deux mois plus tard, des traces de ces journées et nuits d'émeutes sont encore visibles. Dans les rues de la cité, mais aussi dans les propos des habitants que nous avons rencontrés. "Si c'était à refaire, on referait parce que 'ma cité va craquer'," dit par exemple un jeune croisé dans le quartier. Un autre ajoute : "On n'a pas de travail ! Il y a un chantier en face, pourquoi ils ne nous embauchent pas ?"
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Khalid Bouazaoui, directeur de l’association Mot-Son qui organise des concerts et des sorties culturelles, lutte à sa façon contre cet état d'esprit : "C'est un accompagnement à l'année qui fait vivre tout un quartier et qui permet d'inculquer des valeurs républicaines." Mais l'un des jeunes accueillis dans cette association n'en démord pas : quand il évoque la mort de Nahel, il considère qu'il n'y a "pas eu de justice. Les gens ont fait justice eux-mêmes. Ils ont eu raison de faire ça."
Tous les jeunes du quartier ne partagent pas ce point de vue. Amine par exemple, un lycéen de seize ans, souligne que "les émeutes ont plus attaqué des services publics qu'autre chose. Pas loin de chez moi, des commerces ont été détruits. Du coup, ça a été plus difficile pour mes parents par exemple d'aller faire leurs courses. Ils doivent aller beaucoup plus loin."
"C'était de la casse pour la casse"
Malika, une bénévole de l'association, ne se remet pas des émeutes : "C'était choquant. On n'aurait pas dit que c'était notre quartier à nous. C'est triste parce qu'ils ont détruit la Poste. Donc on n'a plus de Poste. C'était de la casse pour la casse."
Certains arrêts de bus, saccagés, n'ont pas encore pu être reconstruits durant l'été. Le goudron de la chaussée est encore fondu par endroits. "Ils ont cramé les poubelles, ils les avaient mises en plein milieu de la route", explique un jeune du quartier.
"Tout ce qui se passe, ça fait peur. Moi j'ai peur."
Une mère de famille dans le quartier de La Mossonà franceinfo
Peur d'une nouvelle flambée de violences, car en effet deux mois après, la colère de certains semble intacte : "Le policier qui a tué Nahel, ils ne lui ont rien fait", affirme un jeune. Khalid Bouazaoui, le directeur de l’association, lui rappelle que le policier qui a tué Nahel est en détention provisoire : "La justice a un temps. Malheureusement, aujourd'hui, avec la rapidité des réseaux sociaux, on veut une justice comme au Moyen-Âge, avec une sentence publique le lendemain. Sauf que ce n'est pas comme ça. Et pour justement que la justice soit raisonnable, il doit y avoir une présomption d'innocence, il doit y avoir un procès. Il y a des pères de famille, des familles qui se retrouvent avec leurs voitures brûlées le matin, ils ne peuvent pas aller au travail. Il ne faut pas faire d'amalgame."
Proposer des activités pour qu'il y ait "moins de problèmes"
Son collègue éducateur pointe, lui aussi, l'influence des réseaux sociaux : "À un moment donné sur Snapchat, c'était presque une concurrence entre quartiers, c'était à celui qui serait le plus chaud, qui ferait le plus de dégâts !"
"Pendant les émeutes, ils ont brûlé le camion du propriétaire du magasin. La première victime, c'est le quartier. J'étais triste."
Ahmed, responsable de l'épicerie du quartierà franceinfo
De la tristesse, mais pas de fatalisme : Khalid, l'éducateur de l'association Mot-Son, porte un nouveau projet. Un local pour accueillir et aider davantage de jeunes : "Tous les jours un accompagnement scolaire de 17h à 19 h, tous les mercredis des activités culturelles : des émissions de radio, des créations de courts-métrages, des passages en studio pour enregistrer des poésies, des sorties, des loisirs... De la culture tout le temps parce qu'elle est élévatrice. Moins les jeunes seront dehors et plus ils seront accompagnés, moins on aura de problèmes."
Malika, la bénévole de l'association, reconnaît que "les gens ont peur. Peur qu'il y ait encore une petite étincelle, qu'il y ait encore une soi-disant excuse pour faire de la casse." Comme elle, la plupart des habitants de La Mosson considèrent le calme apparent retrouvé dans le quartier comme un bien commun très fragile.
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